Une catastrophe industrielle avec un lourd bilan humain et des conséquences sur l'environnement
Lundi 4 octobre, la rupture d'un gigantesque réservoir retenant les rejets de l’usine d'aluminium MAL (Magyar Alumínium, Ajkai Timfoldgyar Zrt refinery) installée à 165 kilomètres à l’ouest de Budapest, entraînait un accident industriel et une catastrophe écologique majeure : En quelques heures, plus d’un million de mètres cubes de boues alcalines se sont répandues dans sept villages des environs de l’usine. L'accident a déjà fait quatre morts et plus de 150 blessés selon un nouveau bilan officiel. Trois personnes sont toujours portées disparues.
C’est l’impact environnemental qui reste le plus inquiétant et le plus difficile à évaluer. Des responsables du WWF espéraient que le débit de la rivière Raab diluerait la pollution. Aujourd’hui, les craintes initiales se confirment : la pollution vient d’atteindre un affluent direct du Danube, le plus grand fleuve d’Europe (après le Volga qui prend cependant sa source en Russie), et la crise devient une préoccupation de l’Union Européenne et de plusieurs états européens traversés par le Danube. Celui-ci fait l’objet d’une convention internationale de protection de l’environnement. Le Danube mesure près de 3.000 km de long. Il prend sa source en Allemagne et se jete dans mer Noire par le delta du Danube situé en Roumanie et en Ukraine.
Selon des mesures effectuées par les Services des eaux, le taux alcalin (je comprends qu'il s'agit en fait d'une mesure de pH) au confluent de la rivière Raab avec le Danube, à proximité de la ville de Györ, avait augmenté vers 10h00 GMT, à 9,4 contre environ 9 plus tôt dans la matinée. Le taux dit normal est habituellement entre 6 et 8. Des acides et des tonnes de plâtre sont déversés dans les cours d’eau pour tenter de limiter la pollution.
Près du lieu de la catastrophe, entre les villes d’Ajka, Devecser et Kolontar, c’est trop tard : Le flot de boue s’est répandu par le lit de la rivière Torna et a anéanti l’écosystème de la rivière Marcal.
L'accent a été mis sur le pH de la boue répandue mais des analyses du WWF mettraient en évidence des taux élevés de mercure et d'arsenic. Même si la pollution se dilue dans les cours d'eaux, connaître la composition exacte des boues rouges va devenir la question principale des jours à venir.
La zone de l'accident visualisée sous google Earth, avant l'accident.
Le réservoir de boues est nettement visible. Crédit image : Google Earth
Les satellites d’observation de la Terre et le service GMES SAFER mobilisés :
Mis en place par l’Union Européenne, le service GMES SAFER de réponse aux situations d’urgence a été activé mardi 5 octobre 2010 par la direction générale hongroise de gestion des catastrophes (National Directorate General for Disaster Management). |
C’est la soixantième activation du service GMES SAFER qui a été lancé en janvier 2009 pour fournir, en cas de crise, aux unités de protection civile, des cartes et des informations extraites de données acquises par les satellites d’observation de la Terre. Les dernières activations ont surtout porté sur des cas d'inondations (la catastrophe au Pakistan pendant l'été et plus récemment en Bulgarie, au Burkina Faso et au Sénégal).
C’est la société Spot Image, filiale d’Astrium installée à Toulouse, qui assure la coordination opérationnelle. Ses équipes, qui assurent une veille 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, travaillent avec un ensemble de sociétés de services et d’organismes scientifiques spécialisés pour fournir les informations adéquates. Parmi les acteurs impliqués, on peut citer Infoterra en Allemagne et en Grande-Bretagne, le SERTIT (Université de Strasbourg), le CNES, le DLR-ZKI en Allemagne, Keyobs en Belgique, e-Geos en Italie, etc. Les différents intervenants sont mobilisés selon le type de catastrophe, les utilisateurs des produits ou les compétences spécifiques demandés.
L’Agence Spatiale Européenne (ESA) est responsable de la coordination des acquisitions des images provenant d’une flotte de satellites d’observation.
Cette organisation très réactive permet de fournir les différents types de produits : cartes de référence décrivant la situation avant la catastrophe, cartographie rapide décrivant l’étendue de l’alea juste après la crise, bilans détaillés ou thématiques dans les jours qui suivent.
Les quatre types d'information produits par le service GMES SAFER
(Crédit image : Spot Image / Infoterra)
Le Danube vu par les satellites d'observation :
Appelé Donau en allemand, Dunaj en Solvaque, Duna en hongrois, Dunav en croate, serbe et bulgare et Dunarea en roumain, le Danube est long de 2875 km (plus de 3000 km si on prend en compte les deux cours d’eau allemands qui lui donnent naissance). S’écoulant d’ouest en est (c’est une exception pour les grands fleuves européenns, il longe ou traverse dix pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie, la Croatie, la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie, la Moldavie et l’Ukraine. Neuf autres pays font partie de son bassin versant. Son delta, en Roumanie et en Ukraine, sur la rive ouest de la mer noire, fait partie liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Carte du bassin du Danube
Crédit : Wikipédia - Licence Creative Commons - Réalisation Pline
En attendant que les produits SAFER soient rendus publics, voici quelques images satellites montrant le Danube à différents endroits de son parcours. Elles illustrent la dimension européenne du fleuve et les risques de pollution.
Une des premières images acquise par le satellite Spot 4 le 27 mars 1998 à 9 h 38.
Le Danube en Hongrie au sud de Budapest, à proximité de la ville de Baja. Cliquer ici pour voir la scène complète. Copyright CNES – Distribution Spot Image.
L'image ci-dessus couvre une zone de 23 kilomètres de côté. Elle est extraite d’une scène de 60 km de côté centrée sur les coordonnées géographiques 46°04’50’’N et 18°40’00’’E (ville de Baja). Cette image, appelée M+XI, est obtenue par la combinaison de la bande spectrale rouge d'une résolution de 10 m (Bande B2/M) avec les bandes spectrales verte (Bande B1/XS1), proche infrarouge (Bande B3/XS3) et moyen infrarouge (Bande B4/MIR) qui ont une résolution de 20 m.
La représentation à l’écran de ce produit dépend de l’affectation des couleurs fondamentales (rouge, vert, bleu) aux bandes spectrales de l’image numérique. La version affichée correspond à l’affectation suivante :
- La bande M (rouge) est représentée pour la couleur bleue sur l’écran.
- La bande MIR (moyen infrarouge) est représentée pour la couleur verte sur l’écran.
- La bande XS3 (proche infra-rouge) est représentée pour la couleur rouge sur l’écran.
Une autre représentation, plus classique pour les images Spot, est obtenue en appliquant la correspondance suivante :
- La bande XS1 (vert) est représentée pour la couleur bleue sur l’écran.
- La bande M (rouge) est représentée pour la couleur verte sur l’écran.
- La bande XS3 (proche infra-rouge) est représentée pour la couleur rouge sur l’écran.
Cliquer ici pour voir l’image et la scène complète dans cette seconde représentation.
Extrait d’une image multispectrale acquise en janvier 2005 par le satellite Formosat-2.
La résolution au sol est de 8 mètres. L’image couvre la région de Kozloduy en Bulgarie. Le Danube
marque la frontière avec la Roumanie. Un petit cours d’eau a été canalisé pour l’irrigation des
champs de riz. Copyright NSPO - Distribution Spot Image.
Le delta du Danube au niveau de la mer Noire entre la Roumanie et l'Ukraine.
Image Spot 5 en couleurs naturelles. Copyright CNES - Distribution Spot Image
Sources utilisées :
- Dépêches d’agence de presse.
- Encyclopédie Wikipedia.
- Site internet du CNES (Centre National d'Etudes Spatiales)
- Site internet de Spot image.
En savoir plus :
- Le site du service GMES SAFER et la pages présentant les dernières activations de SAFER (en anglais).
- La présentation de GMES sur le site de la Commission Européenne (en anglais) et le site d'information sur GMES.
- Un article détaillé sur le Danube sur le site Wikipédia.
- sur le site du patrimoine mondial de l'UNESCO, les pages sur le delta du Danube.
- Un article sur le potentiel hydrogène (pH) sur le site Wikipédia.
- Sur le blog "Un autre regard sur la Terre", d'autres exemples d'activations du service GMES SAFER :
- Janvier 2010 - Tremblement de terre à Haïti : les satellites à la rescousse,
- La situation des inondations au Pakistan suivie par les satellites d’observation de la Terre tout au long du mois d’août 2010,
- Eté 2010 : pas de vacances sur le front des catastrophes naturelles pour les services de secours et pour le service européen GMES SAFER…
- GMES et les inondations en Pologne : le service GMES SAFER très sollicité pour cartographier les crues et aider les opérations de secours.
- La présentation des satellites Spot sur le blog Un autre regard sur le Terre et la page sur les premières images.
- Une série de photos impressionnantes sur le site "Big Picture" d'Alan Taylor (Boston Globe) : difficile de ne pas voir une pollution majeure...
- A Toulouse, le site de Laboratoire d'Ecologie fonctionnelle Ecolab, unité mixte de recherche associant l'Université Paul Sabatier, le CNRS, l'Observatoire Midi-Pyrénées et l'Institut National Polytechnique de Toulouse.
- Sur le site de l'Agence Régionale pour l'Environnement en région Midi-Pyrénées, les pages sur l'actualité de l'eau.
- Sur le site de la DREAL en région Midi-Pyrénées, les pages sur l'eau.
Suggestions d'utilisations pédagogiques en classe :
- Exépriences en classe sur la notion de pH et la mesure de pH, neutralisation de solutions acides et alcalines, en utilisant par exemple des produits alimentaires (Jus de citron, vinaigre, café ou thé pour les acides, savon pour les bases).
- Un projet à l'année sur la mesure de la qualité de l'eau d'une rivière ou d'un fleuve à proximité. Voir en particulier l'opération "Le sang bleu de la Terre" proposée aux établissements scolaires par Planète Sciences Midi-Pyrénées. Voir également la liste des ressources pédagogiques sur le site de l'Académie de Toulouse. Voir également les outils proposés par l'association Reflets à Toulouse.
- Voir les suggestions sur les autres articles sur la gestion des crises sur le blog "Un autre regard sur la Terre".
- Avec Google earth, rechercher des sites industriels similaires dans le monde et comprendre le choix des zones géographiques et les risques associés. Voir par exemple le "Red Mud Dam" en Australie près de Gladstone (coordonnées : 23°55'54"S et 151°18'46E). La barrière de corail n'est pas très loin... En France, la seule usine est celle de l'entreprise Rio Tinto Alcan à Gardanne dans les Bouches-du-Rhône (coordonnées : 43°27'55.34"N et 5°26'9.19"E). Une partie de ses boues, après traitement, sont rejetées en mer, par une conduite de 47km, dans le canyon sous-marin de la Cassidaigne qui s'enfonce à 2400 m de profondeur (la présence de boues rouges est parfois détectée au large de Cassis).
- Travail bibliographique sur les médias et la communication des organismes officiels après les catastrophes industrielles.