Flammes olympiques
Alors que le mois d'août n'a pas commencé, plusieurs incendies ont déjà causé des dégâts importants dans le sud de l’Europe, même s’ils n’ont pas un caractère aussi dramatique que les feux exceptionnels qui ont frappé la Grèce en 2007 (dans le Péloponnèse et à proximité d’Olympie) et en 2009 (à Athènes).
Après les incendies dans le Colorado aux Etats-Unis et en Russie, voici des images de satellites d'observation montrant les incendies récents en Europe. C’est l’occasion de rappeler la vulnérabilité de l’environnement méditerranéen en été : un simple mégot jeté depuis la vitre d’une voiture peut être à l’origine de destructions majeures. Avec quelques explications sur des facteurs pouvant aggraver l’impact des feux, c’est également l’occasion de repasser en revue l’apport de satellites d’observation de la Terre et une technique particulière de représentation des images qui facilite l'identification des zones brûlées.
En Espagne, les incendies de forêt et de broussailles sont particulièrement nombreux cette année, avec un des hivers les plus secs depuis environ 70 ans.
C’est à proximité de la frontière française, au niveau de La Jonquera, que s’est déclenché dimanche 22 juillet un des incendies les plus importants de ces dernières décennies pour la région de Catalogne. Mardi 24 juillet au soir, il était enfin déclaré en "phase de contrôle". Quatre personnes, trois Français et un Espagnol, ont péri et 15026 hectares de végétation, selon le bilan d’EFFIS, le système européen d’information sur les feux de forêts, sont partis en fumée. Selon les autorités catalanes, le feu a été probablement provoqué par des mégots jetés à terre. Attisé par des vents violents (tramontane soufflant à 90 km/h), l’incendie s’est propagé rapidement sur l'Alt Alt Empordà (Alto Ampurdán), entre Le Perthus et Figuéras et près de Portbou, avant une accalmie à partir du lundi 23.
Pendant trois jours, 1.500 personnes, pompiers, policiers et militaires, gardes forestiers et volontaires, appuyés par des dizaines d'avions et d'hélicoptères espagnols et français, ont participé à la lutte contre l’incendie.
Le satellite Pléiades 1A, a été programmé pour acquérir une image des dégâts de cet incendie. L’image suivante, publiée sur le site d’Astrium GEO-Information Services, a été prise le 24 juillet 2012. La très haute résolution du satellite permet de délimiter très précisément les contours des zones brûlées. Sur cette image en couleur naturelles, j’ai modifié légèrement la dynamique du canal rouge pour améliorer le contraste entre les zones brûlées (couleur plus sombre gris-bleu) et les zones où la végétation est intacte.
Image des zones brûlées à proximité de la Jonquera près de la frontière franco-espagnole prise par
le satellite Pléiades 1A le 24 juillet 2012 dans la matinée.
Copyright CNES 2012 – Distribution Astrium Services / Spot Image SA.
L’image présentée ici est de taille très réduite (facteur 13 environ) par rapport à l’image d’origine. Celle-ci peut être vue sur la galerie d’images du site d’Astrium GEO-Information Services. Attention, le fichier est assez lourd (16000 pixels sur 16000 pixels, 55 MO) …
En pratique, ce type d’image à haute ou très haute résolution est utilisé quand la charte internationale « Espace et catastrophes majeures » ou le service de réponse aux situations d’urgence du programme GMES (Global Monitoring for Environment and Security) sont déclenchés par l’une des protections civiles européennes ou pour le MIC , l’entité européenne qui assure la coordination de la protection civile au niveau européen.
En dehors des situations les plus graves, ce sont généralement des images à moyenne résolution qui sont utilisées pour estimer les surfaces brûlées, juste après la fin des incendies. Depuis la panne du satellite européen Envisat, la principale source d’images de ce type est le capteur MODIS embarqué à bord des satellites américains Aqua et Terra.
L’image suivante a été acquise par le capteur MODIS du satellite Aqua le 25 juillet 2012. Contrairement aux images en couleurs naturelles (voir plus loin les exemples sur l’île de Madère), il s’agit ici d’une représentation appelée "721", une combinaison des bandes spectrales n° 7, 2 et 1 qui fait apparaître les zones brûlées récentes en couleur rouge. Je donne à la fin de cet article une explication technique plus complète. L’image qui couvre l’Espagne et le Portugal a une résolution d’environ 1 kilomètres. Les extraits ont une résolution de 500 mètres (dans ce cas, un pixel couvre une surface de 25 hectares). Les images MODIS sont utilisées sur le système européen EFFIS pour l’inventaire des dégâts des feux.
Image de l’Espagne et du Portugal acquise le 25 juillet 2012 par le capteur MODIS du satellite Aqua.
En bas, extrait centré sur la région de Catalogne. Crédit image : NASA / GSFC Modis Rapid Response.
Des feux également près de Valence, au Portugal et à Madère…
Même si l’incendie de Catalogne a eu un écho médiatique très important, à ce jour, l’incendie le plus important de l’année 2012, du point de vue de la surface brûlée reste celui qui a commencé fin juin près de Valence, toujours en Espagne. Toujours selon la base de données EFFIS (European Forest Fire Information System) de la commission européenne, plus de 54000 hectares ont été parcourus par les flammes dans la région de Valence : 32424 hectares près de Dos Aguas (Cortes de Pallas) dans l’incendie qui a démarré le 28 juin et 21762 hectares deux jours plus tard à Andilla.
Ce double incendie est le plus grave dans la région de Valence depuis une vingtaine d'années. Deux hélicoptères se sont écrasés en luttant contre le feu.
Deux extraits de l’image MODIS du 25 juillet 2012 centrés sur Valence et sur le Sud du Portugal.
Crédit image : NASA / GSFC, Rapid Response.
Le Portugal a également été touché depuis la mi-juillet par une série d'incendies aggravés par des températures élevées et des vents violents. Sur l'île de Madère, c’est à Assomada qu’un incendie s’est déclaré le 18 juillet 2012. Dans le sud du pays, les feux qui touchaient depuis mercredi les communes de Tavira et Sao Bras de Alportel (région de l'Algarve) ont pu être maîtrisés samedi 21 en fin de journée.
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Extraits de trois images MODIS acquises le 18, le 19 et le 20 juillet 2012. Représentation en couleurs naturelles montrant les panaches de fumées et l’évolution des feux sur l’île de Madère.
Notez également l’évolution de la couverture nuageuse entre Madère et les Canaries.
Crédit image : NASA / GSFC, Rapid Response.
Le vert qui devient noir : on voit rouge…
La combinaison en « couleurs naturelles » ou « couleurs vraie » produit une représentation des images similaire à ce que verrait un œil humain. Dans le cas du capteur MODIS, les bandes spectrales 1, 4 et 3, correspondant respectivement à des longueurs d’onde de lumière rouge (0,670 µm) verte (0,565 µm) et bleue (0,479 µm), sont associées aux canaux rouge, vert et bleu de l’écran de visualisation.
La combinaison « 721 », comme son nom l’indique (à condition de bien connaître MODIS) utilise les bandes spectrales 7 (infrarouge thermique, centrée sur la longueur d’onde 2,155 µm), 2 (proche infrarouge à 0,876 µm) et 1 (rouge, centrée sur la longueur d’onde 0,670 µm). Ces trois bandes sont respectivement associées aux canaux rouge, vert et bleu de l’écran de visualisation.
Dans la représentation 721, la végétation active, en raison de la synthèse chlorophyllienne, apparaît en vert intense.
Cette combinaison de canaux met bien en évidence les zones brûlées après un incendie, en raison de la perte d’activité chlorophyllienne de la végétation brûlée.
Dans le cas de surfaces brûlées, le sol nu apparaît : la réflectance dans la bande 1, représentée en bleu, augmente légèrement, selon l’importance des résidus de combustion (carbone, noir).
Le niveau bande proche-infrarouge (bande 2), représentée en vert, s’effondre du fait de la perte d’activité chlorophyllienne de la végétation brûlée. La bande 7, l’infrarouge thermique, représentée en rouge, devient plus réflective.
Ainsi, avec cette représentation 721 des images MODIS, les zones brûlées apparaissent en rouge plus ou moins intense. L’intensité du rouge varie avec le type de végétation détruite, la quantité de cendres et le degré de combustion.
Pour être complet, l’eau apparaît en noir et en bleu foncé s’il y a des sédiments en suspension. La neige et les nuages de glace en altitude, plus froids et rayonnant moins dans l’infrarouge thermique, absorbent également le proche infrarouge : ils apparaissent bleutés. Les autres nuages sont blancs, les petites gouttes d’eau diffusant de manière équivalente les bandes visibles et proche infrarouge
Pour bien comprendre tout cela, je vous conseille de regarder à nouveau les images de l'Espagne du 25 juillet en couleurs naturelles et en représentation 721 et de vous ballader un peu sur le site MODIS Rapid response et de comparer les mêmes images représentées en couleurs naturelles et dans les autres représentations proposées (721 et 367).
L’importance des efforts consacrés à la prévention et à la réaction rapide en cas d’incendie
La propagation des feux et leur impact dépendent d’abord de l’intensité des vents et de l’état de sécheresse de la végétation. Il y a aussi la baisse de l’exploitation et de l’entretien des forêts par l’homme et le changement climatique avec une sécheresse accrue dans les régions méditerranéennes. Ces facteurs accroissent la vulnérabilité, de même que la plus grande interpénétration des milieux ruraux et urbains.
Néanmoins, des collectivités territoriales, plusieurs associations ou ONG européennes ou même des pompiers ou des gardes forestiers dénoncent la baisse des budgets alloués à la prévention et à la lutte contre les incendies : début juillet, par exemple, les pilotes de bombardiers d'eau de la base de la Sécurité civile de Marignane (Bouches-du-Rhône) se sont déclarés en grève, une première depuis 1998, dénonçant le manque de moyens affectés selon eux à la maintenance des avions.
Dans un article du journal Le Monde daté du 24 juillet et intitulé «En Espagne, les incendies aggravés par les effets de l'austérité », la journaliste Sandrine Morel écrit : « Lors des incendies de Valence, les syndicats avaient dénoncé le fait que sur les 160 personnes déployées chaque jour sur le terrain, seules 25 étaient des pompiers professionnels. Et la baisse du budget de lutte contre les incendies, passé de 110 à 95 millions d'euros entre 2011 et 2012 ».
En savoir plus :
- Les autres articles dans la catégorie « images d’actualité – images de la semaine ».
- Les autres articles dans la catégorie « catastrophes et risques naturels ».
- Le site d’Astrium GEO-Information Services, la galerie d’images et l’image pléiades en pleine résolution.
- Le site MODIS rapid response (NASA / GSFC).
- Le site EFFIS de la Commission européenne et la page de tenue de situation.
Suggestions d’utilisations pédagogiques en classe :
- A partir de l’image Pléiades de la Jonquera, tracer le contour des zones parcourues par les feux du 22 juillet. Utiliser de préférence l’image en pleine résolution publiée sur le site d’Astrium GEO-Information Services.
- Travail sur les bandes spectrales de MODIS : étudier et comparer la réponse spectrale de différents types d’occupation des sols, de l’eau, de la neige, etc. Construire une grille de classification.