Course d'obstacles dans la dernière ligne droite
Mission accomplie...
Quelques heures après la performance d'Usain Bolt dans la finale du 100 mètres aux Jeux Olympiques, c'est une autre course que vient de remporter le rover MSL en arrivant en douceur sur mars au terme d'un périple de 8 mois.
Des exploits très différents mais des analogies étonnantes : le succès ou l'échec avec un dénouement en quelques secondes, l'absence de droit à l'erreur, des années d'effort pour se préparer...
Une médaille d'or pour cette première épreuve dans la catégorie "plus de 80 kilos de science". C'est la masse record de charge utile qu'emporte MSL, un robot martien de la taille d'une petite voiture. Restent maintenant les échauffements avant l'épreuve d'endurance...
L'étape ultime de l'arrivée de Curiosity sur Mars. Crédit : NASA
9 secondes 63/100 d'un côté, 7 minutes de l'autre
7 minutes de terreur... C'est ainsi que la NASA a baptisé la dernière phase de l'arrivée de Curiosity sur Mars. Il est bien sûr question du stress et de la terreur qu'ont vécus ce matin tous les ingénieurs et les scientifiques qui participent à ce projet extraordinaire. Le moment de vérité pour savoir si une des opérations les plus complexes et les plus courtes de l'histoire spatiale va réussir, après des années de travail de préparation. Il s'agit d'enchaîner une série de manoeuvres complexes, une "centaine de points de pannes uniques" : une seule défaillance et toute la mission est compromise, comme le rappelait ce matin à la Cité de l'espace Marc Pircher, le directeur du Centre Spatial de Toulouse du CNES. Cette impressionnante séquence d'opérations rendrait les scénaristes des films de James Bond jaloux. Elle ont permis à MSL et au vaisseau spatial qu'il l'a emmené depuis la Terre il y a huit mois de passer d'une trajectoire interplanétaire à une atterrissage en douceur sur la planète rouge. Sans mise en orbite intermédiaire...
Si vous n'avez pas vu les vidéos qui simulent cette dernière phase de la première partie de la mission (en fait le véritable point de départ de la mission scientifique), je vous invite à les regarder attentivement.
Je suis prêt à parier que votre première réaction a été : "ça ne peut pas marcher".
Il est vrai que la succession d'opérations paraît incroyablement complexe avec, au final, une sorte de grue volante à réaction qui tombe sous parachute et qui dépose le rover au bout de filins...
Tous les passionnés espèraient que cela allait marcher... Eh bien, c'est fait ! Chapeau aux équipes de la NASA et du JPL qui ont imaginé, mis au point et qualifié ce système, en ayant déjà à leur actif les plus grands exploits de l'exploration spatiale, sur Mars ou ailleurs. Dans le domaine des vols habités, la complexité du programme Apollo, il y a 50 ans, pouvait également faire douter que les américains parviennent à poser un homme sur la Lune en moins de 10 ans, alors que Gagarine venait de boucler sa première orbite autour de la Terre.
J'aurais beaucoup aimé assister à la revue de projet pendant laquelle quelqu'un de la NASA a conclu : "C'est bon les gars, je suis convaincu... Allez-y !"
17 caméras mais pas d'images en direct...
A Toulouse, c'est donc à la Cité de l'espace que les passionnés matinaux et les familles des scientifiques français (en particulier ceux des instruments CHEMCAM et SAM) ont suivi en direct la vidéo transmission organisée par le Jet Propulson Laboratory (JPL) de Pasadena.
la Cité de l'espace, la matinée matinale organisée pour les toulousains. Ici, le plateau dans le
cadre de l'exposition temporaire sur Mars. Crédit image : Gédéon
En fait, contrairement aux jeux olympiques de Londres, on n'assistait pas à l'évènement en direct et il n'y avait pas d'images en direct et en haute définition pour immortaliser cette arrivée sur mars, pour deux raisons principales :
- Il n'y a pas eu d'images de haute qualité en direct car il n'y a pas tout de suite de capacité de transmission de données à haut débit : il faudra attendre plusieurs heures voir plusieurs jours (les "sols" martiens, un peu plus longs que les journées terrestres) pour que tout soit vérifié et que les antennes à haut gain soit déployées et mise en route. Les professionnels et les amateurs devront d'abord se contenter de messages de type "OK", "Acknowledged" signalant que les différentes étapes de la course d'obstacles sont franchies avec succès (en fait, sur la vidéotransmission, ce sont surtout les cris de joie et les applaudissements qui signalaient que tout se passait au mieux).
- La distance ensuite entre la Terre et Mars : les signaux radio émis depuis mars mettent environ quatorze minutes pour atteindre la Terre (actuellement à une distance de 248 millions de kilomètres). Cela explique pourquoi la séquence finale d'arrivée sur mars est entièrement automatique : impossible d'avoir des délais de près de 30 minutes pour piloter un véhicule spatial sur une séquence aussi courte. A la Cité de l'espace, les animateurs de la matinée, avec Philippe Droneau, ont très bien montré ce décalage en expliquant bien la différence entre le temps réel martien et le temps réel sur terre, avec ce retard d'environ un quart d'heure.
L'antenne DSA 1 (Deep Space Antenna) de la station de New Norcia en Australie. Crédit ESA
Malgré ces différences avec un évènement sportif planétaire, il y a une analogie intéressante à mentionner : le nombre de caméras. Elles étaient très nombreuses à suivre Usain Bolt pendant la course et après sa victoire.
En orbite autour de Mars depuis le 24 octobre 2001, Mars Odyssey, le satellite relais qui assure les communications avec la Terre, a pu transmettre une série de premières photographies en noir et blanc très fortement sous-échantillonnées des caméras "Hazard Camera". Un peu comme si on avait suivi Usain Bolt en léger différé avec une vieille webcam en noir et blanc. Ces images en provenance de mars ont pourtant une valeur énorme : elles montrent que Curiosity est bien posé et semble en bonne santé. Elles sont surtout très émouvantes pour toutes les équipes qui participent à ce projet hors du commun et pour ceux qui sont passionés par l'exploration spatiale.
Cela est de très bonne augure en attendant les premières images panoramiques qui permettront de localiser très précisément le rover sur son site d'atterrissage.
Les premières images transmises par Curiosity dans les minutes suivant son atterrissage et
relayées vers la Terre par la sonde Mars Odyssey. A gauche, ombre du rover MSL vue par la caméra
Hazcam de la roue avant gauche. A droite, roue arrière gauche et horizon martien vue par une
autre caméra Hazcam. Crédit image : NASA / JPL.
Pour la petite histoire, la NASA a légèrement modifié l'orbite de Mars Odyssey le 24 juillet dernier pour s'assurer que le satellite survolerait bien le site du cratère Gale au moment de l'arrivée de MSL. Sans cette manoeuvre (une poussée d'une durée de six secondes), Mars Odyssey serait arrivé deux minutes après le "landing". Deux autres satellites, le Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA et la sonde européenne Mars Express de l'ESA, sont en position de retransmettre les liaisons de MSL mais uniquement en "playback". Seul Mars Odyssey assure la transmission en "direct" (avec toujours le délai de communication vers la Terre).
D'autres caméras ont préparé le terrain, comme par exemple celles de la mission européenne Mars Express qui ont cartographié le site du cratère Gale avec une résolution de l'ordre de 100 mètres avec une carte d'altitude obtenue par stéréovision.
Crédit image : ESA/DLR/FU Berlin (G. Neukum)
Pendant la mission scientifique à venir, les caméras vont surtout filmer l'environnement autour de MSL et aider à sa navigation. Même si, pendant le bilan de santé des premiers jours, le rover Curiosity fera lui-même l'objet d'une grande curiosité.
C'est une autre histoire...
On verra également dans un autre article avec quels dispositifs et comment fonctionnent les liaisons avec la Terre. On refera certainement un parallèle avec la retransmission des grands évènements sportifs mais surtout avec les systèmes d'observation de la Terre et les moyens sols associés.
Pour le moment, c'est un sans faute avec cet atterrissage réussi ! Ou "amarssissage" ? Les anglo-saxons ont moins d'hésistation : ils utilisent toujours le terme "landing".
Les dix-sept caméras du rover Curiosity. Crédit image : NASA
En savoir plus :
- Le site du JPL (Jet Propulsion Laboratory) de la NASA et la vidéo sur les défis de l'arrivée sur Mars (en anglais).
- Sur le site des missions scientifiques du CNES, les pages sur la mission MSL et la contribution française à Curiosity.
- Sur le site de l'ESA, le rôle de la mission Mars Express.
- D'autres articles du blog Un autre regard sur la Terre sur la Planète Mars :