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La Terre vue depuis l’orbite géostationnaire par le satellite européen Meteosat 10 le 22 décembre 2023,
le jour du solstice d’hiver. Crédit image : Eumetsat
Winter is coming. Discrètement...
C’est l’hiver, quelques semaines après les météorologues, c’était au tour des astronomes de déclarer l’arrivée de l’hiver : les trois images présentées ici ont été prises par le satellite européen Meteosat 10 le jour du solstice d’hiver, le 22 décembre 2023, au lever de soleil sur la France (6h00 UTC), en milieu de journée et en fin de journée.
En France, c’est l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) qui fournit chaque année la date et l'heure exactes du solstice d'hiver.
C’est très simple… Le solstice d’hiver correspond à l’instant où la longitude apparente géocentrique du Soleil est égale à 270°. Dans notre calendrier et dans l'hémisphère nord, le Solstice d’hiver se produit le plus souvent le 21 ou le 22 décembre et plus rarement le 20 ou le 23 décembre. En tout rigueur, le solstice d'hiver devrait s'appeler le solstice de décembre...
En 2023, selon les observations et les calculs, le solstice d'hiver a eu lieu le vendredi 22 décembre à 4 heures 27 minutes et 23 secondes heure de Paris (soit 3h27m23s UTC).
Le jour le plus court…
Le jour du solstice d'hiver, il fait jour un tout petit peu plus de 8 heures dans l'hémisphère nord. C’est la fête pour les gros dormeurs juste avant le réveillon de Noël : la nuit dure les deux tiers d'un cycle journalier, presque 16 heures.
C’est à aussi cette date, sous nos latitudes, que le Soleil se lève le plus au sud-est et se couche le plus au sud-ouest.
Bonne nouvelle pour les optimistes : à partir du solstice d’hiver, les jours recommencent à croître. Invictus : le soleil est invaincu et reprend le dessus…
… dans l’hémisphère nord
Evidemment tout cela est une question de point de vue : au sud de l’équateur, c’est l’inverse… Le jour du solstice d’hiver correspond au début de l’été dans l’hémisphère sud, le Soleil passe alors au zénith pour un observateur de l’hémisphère sud situé sur le tropique du Capricorne. Capricorne ? Ce nom de baptême provient de la constellation du Capricorne : il y a deux mille ans, le Soleil entrait dans la constellation du Capricorne lors du solstice de décembre. Aujourd’hui, à cause du phénomène de précession des équinoxes, il faudrait le rebaptiser tropique du Sagittaire et refaire toutes les mappemondes.
Inclinaison et angles magiques
La Terre tourne autour du Soleil : son orbite est dans un plan appelé l'écliptique. La Terre tourne également autour de son axe, ce qui entraîne la succession des jours et des nuits.
C’est l’inclinaison de cet axe, qui n’est pas perpendiculaire au plan de l’écliptique qui est à l’origine de la succession des saisons au fil de l’année. Lorsque le côté sud de l'axe de la Terre penche vers le soleil, c’est l’hiver dans l’hémisphère nord.
Cette inclinaison, ou obliquité, conserve une valeur constante, au moins sur le court terme : en première approximation, l’axe de rotation de la Terre a une direction fixe dans l'espace. Approximation car j’oublie ici deux perturbations agissant à moyen et long terme : la nutation et la précession des équinoxes.
Plan de l’écliptique, plan de l’équateur et axe de rotation de la Terre.
Crédit : derivative work: Daelomin53 (talk)AxialTiltObliquity.png: Dna-webmaster,
licence CC BY 3.0 via Wikimedia Commons
L’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre, matérialisée par la limite jour-nuit à 6h et 18h UTC, est bien mise en évidence sur les images des satellites météorologiques en orbite géostationnaire, comme celles illustrant ce texte.
Je vous renvoie à d’autres articles du blog Un autre regard sur la Terre pour des explications détaillées sur le phénomène des saisons mais il est bon de se souvenir de l’ordre de grandeur de l’angle d’inclinaison. Il vaut actuellement 23°26’10’’ (soit 23,4363 degrés décimaux).
Cet angle définit quatre lignes très particulières autour de la surface terrestre, quatre parallèles liés aux saisons :
- Les deux cercles polaires arctique et antarctique dont la distance angulaire au pôle nord et au pôle est égale à l’inclinaison de la Terre (soit 23°26’10’’). Cela correspond à une latitude de 66°33’ nord et 66°33’ sud. Dans les régions au nord ou au sud des deux cercles polaires, il y a au moins une journée où le soleil ne se lève pas en hiver et ne se couche pas en été.
- Les tropiques du Cancer (au nord de l’équateur) et du Capricorne (au sud), à une latitude de 23°26’11’’ nord et 23°26’11’’ sud. Dans l’hémisphère nord, le jour du solstice d’été en juin, le soleil est au zénith du tropique du Cancer à midi. Dans l’hémisphère sud, c’est le jour du solstice de décembre, le jour le plus long de ce côté de l’équateur, que le soleil est au zénith du tropique du Capricorne à Midi.
Les effets des saisons sont plus difficiles à voir sur les satellites héliosynchrones : l’illustration suivante obtenue avec l’outil MODIS Worldview couvre la totalité de la surface terrestre et montre l’ensemble des acquisitions du satellite américain Aqua (instrument MODIS) pour la journée du 22 décembre 2023.
On peut constater que les images ne sont pas acquises aux latitudes septentrionales extrêmes, alors qu’elles le sont au sud : l’éclairement solaire est insuffisant au nord pour acquérir des images dans les conditions normales. Malgré la vue très oblique, on peut également le voir sur la partie la plus au nord de l'image de Meteosat 10.
Copie d’écran de l’outil MODIS Worldview montrant l’ensemble des acquisitions du satellite Aqua
pour la journée du 22 décembre 2023. Crédit image : NASA.
D’autres degrés qui font pencher la balance…
Le cycle des jours et des nuits et celui des saisons est plutôt rassurant : même si sa valeur varie à moyen et long terme, l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre reste autour des 23°26’.
Une autre valeur est plutôt inquiétante. Même si elle se mesure également en degrés, ce n’est pas un angle mais une température…
Le 8 décembre 2023, le jour de la journée mondiale du climat, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et l’agence européenne Copernicus annonçaient que 2023 serait l’année la plus chaude jamais mesurée à l’échelle du globe, depuis le début de l’ère préindustrielle (1850-1900) : les 11 premiers mois de l’année ont été si chauds que le mois de décembre ne pourra rien changer…
2023 : année la plus chaude jamais mesurée sur notre planète
Au niveau global, 2023 dépassera 2016 (2ème année la plus chaude) et 2020 (3ème année la plus chaude). L’anomalie de température mondiale relevé sur l’année 2023 jusque fin octobre est de +1,4 °C par rapport à l’ère préindustrielle, alors que l’accord de Paris avait fixé pour objectif de limiter le réchauffement global en dessous de +1,5 °C par rapport au niveau préindustriel. L’épisode El Niño a contribué à cette chaleur exceptionnelle.
Comme en 2022, à côté des épisodes de canicule, les nombreux incendies en France, en Europe ou au Canada ont contribué à prendre conscience de cette crise climatique. La Grèce a connu le plus large incendie de l’Union Européenne depuis 2000. Le Canada a vu sa saison des feux démarrer dès fin avril pour ne s’achever qu’à l’automne.
En France, selon Météo France, dans la continuité de 2022, année la plus chaude que la France a connue depuis le début du 20ème siècle, l’année 2023 a été aussi particulièrement chaude. Selon toute vraisemblance, l’année 2023 devrait se classer au deuxième rang des années les plus chaudes dans l’Hexagone.
Degrés ou de force
De nombreux records de températures minimale et maximale ont été battus en France, par exemple le 23 août, à Menton où le mercure n’est pas descendu sous 30,4 °C et à Nyons où le mercure a culminé à 43,0°C. Des épisodes de chaleur extrême ont été observés ailleurs en Europe.
Selon les données publiées par le service européen Copernicus de suivi du changement climatique, l’automne boréal 2023 a été le plus chaud enregistrée, avec une température moyenne de 15,30°C, soit 0,88°C au-dessus de la moyenne. Pour l’Europe, c’est le second automne le plus chaud, juste derrière l’automne 2020.
Evolution de l’anomalie de la température globale mensuelle de l’air en surface (en °C)
entre 1940 et 2023 par rapport à la période de référence (1991-2020).
Source de données : ERA 5 - Copernicus Climate Change Service / ECMWF
La température de l’air en surface est celle mesurée ou projetée à 2 mètres au-dessus du sol ou de la surface de l’océan.
ERA5 est la dernière réanalyse du climat produite par l’ECMWF. Elle fournit des données horaires de nombreuses variables sur l’état de l’atmosphère, des surfaces terrestres et des océans, avec des estimations des incertitudes.
Course contre la montre
Le service européen Copernicus de suivi du changement climatique vient de publier un communiqué inquiétant intitulé :
« Depuis l’accord de Paris, nous avons perdu 19 ans dans la lutte contre le réchauffement global »
Plus précisément, au moment de la signature de l’accord de Paris en décembre 2015, les climatologues prévoyaient que l’augmentation de 1,5°C de la température globale moyenne par rapport à l’ère préindustrielle serait atteinte en mars 2045. En 2015, l’augmentation était déjà de 0,98°C.
En 2023, 8 ans après l’accord de Paris, l’augmentation est de 1,25°C et les extrapolations du service européen Copernicus indiquent que la limite de 1,5°C pourrait être atteinte dès Février 2024.
Quand atteindrons-nous 1,5°C de réchauffement global moyen ? Evolution des projections
entre décembre 2015 et octobre 2023. Source : Copernicus Climate Change Service
Y aura-t-il encore de la neige à noël ?
Pas sûr et pas à long terme, malheureusement, si nous continuons sur la trajectoire annuelle. L’hiver reviendra bien chaque année mais les températures ne seront plus celles que nous avons connu dans le passé…
En attendant de voir si nous sommes capables de réagir suffisamment vigoureusement et collectivement pour tenter de rattraper le retard dans la lutte sur le changement climatique, je vous souhaite de passer de bonnes fêtes de fin d’année et espère vous retrouver bientôt sur le blog Un autre regard sur la Terre.
Bonnes fêtes de fin d’année avec le blog Un autre regard sur la Terre.
Image de fond : solstice d’hiver 2023 vu par le satellite Meteosat 10. Crédit : Eumetsat.
Infographie Gédéon
En savoir plus :
- Sur le site de l’IMCCE, un document sur le solstice d’été 2023 et des explications détaillées sur les saisons.
Sur le site de Météo France, une page sur l’année 2023, année la plus chaude pour notre planète.
Sur le site du service Copernicus de suivi du changement climatique, deux pages en anglais : - La définition des paramètres climatiques utilisés par le service Copernicus.