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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

L’Univers démasqué… ou presque. Quand René Magritte rencontre le père du Big Bang

Publié le 9 Octobre 2014 par Gédéon in Activités-éducatives-et-pédagogiques

 

L'Univers démasqué ou presque - Bénédicte Mayer - Magri

Les trois acteurs de la pièce « L’univers démasqué… ou presque ». De gauche à droite :
Bénédicte Mayer dans le rôle de Georgette Magritte, Régis Santon dans celui de Georges Lemaître
et Alain Dumas qui joue René Magritte. Compagnie La Chevelure de Bérénice

 

Au théâtre, ce soir…

Je n’ai jamais parlé de théâtre sur le blog Un autre regard sur la Terre.

Je le fais aujourd’hui : j’ai eu la chance d’assister à Toulouse au Théâtre du pavé à une représentation de « L’Univers démasqué… ou presque », une pièce écrite par Bénédicte Mayer et mise en scène par Stéphanie Lanier. Une soirée que j’ai beaucoup appréciée ! Je vous recommande vivement de profiter des dernières représentations à Toulouse.

Quel lien avec Un autre regard sur la Terre ? En bien plutôt un regard sur l’Univers et plus exactement deux regards croisés : Celui d’un artiste, René Magritte, et celui d’un scientifique, Georges Lemaître.

Le titre de la pièce est explicite à ce sujet. Il l’est un peu moins sur un troisième regard également abordé dans la pièce : celui de la religion.

 

π12 : normal de s’intéresser à la science quand on porte un tel nom…

En effet, la théorie du big bang a été exploitée par certains religieux dits « concordistes » et notamment le pape Pie XII. En novembre 1951, celui-ci déclare « Il semble en vérité que la science d'aujourd'hui, remontant d'un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce Fiat Lux initial ». La protestation de George Lemaître, pour qui on ne doit pas confondre la création ex nihilo, au sens théologique, avec le début de l'Univers tel qu'il l'a décrit par son hypothèse de l'atome primitif, est directement abordée dans la pièce. Protestation identique quand des scientifiques, dont Einstein lui-même, lui reprocheront que sa théorie de « l’atome primitif » à l’origine de l’univers est une « abomination » car elle s’apparente à la création divine de la Bible.

Même les passionnés d’espace et d’astronomie ne connaissaient peut-être pas le nom de George Lemaître et son rôle dans la science moderne avant que l’Agence Spatiale Européenne ne baptise le dernier cargo automatique ATV, lancé en juillet 2014 et amarré à la Station Spatiale Européenne depuis le 12 août dernier.

Mathématicien et membre de l’Église catholique, Georges Lemaître fut au centre d’une révolution scientifique majeure : la fameuse théorie du big bang. Comme le russe Alexandre Friedmann, également tombé dans l’oubli, il aura fallu des décennies pour que l’abbé soit enfin reconnu en tant qu’acteur majeur de l’histoire de notre conception de l’univers. Dans son domaine, le théâtre, Bénédicte Mayer lui rend hommage. 

 

Georges Lemaître et René Magritte : une rencontre imaginaire entre deux belges contemporains qui s’interrogent sur la représentation du monde…

René Magritte (1898-1867), peintre surréaliste et Georges Lemaître (1894-1966), chanoine catholique, astronome et physicien, professeur à Université catholique de Louvain, sont belges et contemporains : ils sont morts à une année d’intervalle.

Ils ne se sont jamais rencontrés mais Bénédicte Mayer a construit une rencontre imaginaire qui sert de fil conducteur à sa pièce. 

L'action se déroule en 1951 chez René et Georgette Magritte. Georges Lemaître, le prêtre cosmologiste belge à qui l'on doit la découverte de l'expansion de l'univers ainsi que la théorie du Big Bang, se rend pour la première fois chez le couple : Lemaître demande à Magritte de peindre son portrait, portrait qu’il compte remettre au pape Pie XII lors de l’un entretien à venir (cette rencontre a bien eu lieu).

Même si l’action se situe au début des années cinquante, la pièce aborde des découvertes du début du vingtième siècle. Elle montre à quel point il fut riche de bouleversements dans tous les domaines, que cela soit scientifique ou artistique.

 

L'Univers démasqué ou presque - Bénédicte Maye-copie-1

Lemaître chez Magritte : une rencontre imaginaire 

 

Et si le processus de la création scientifique n'était pas si éloigné de la création artistique ?

Lemaître représente les avancées capitales en science au début du 20ème siècle et Magritte représente la vision du monde qui change avec un désir de ne plus retranscrire le réel.

Bénédicte Mayer propose une approche à la fois réaliste, humoristique et surréaliste de ce qui lie George Lemaître et René Magritte : chacun à leur manière, la même recherche passionnée pour tenter de comprendre le mystère du monde qui nous entoure.

Je ne suis pas souvent convaincu par les tentatives de mêler Arts et Sciences mais cette fois, je me suis laissé séduire.

 

Georgette Magritte, les toiles du berger

Certainement parce que le parti pris de Bénédicte Mayer est de présenter de manière pédagogique des découvertes et des théories, comme la relativité générale ou l’expansion de l’univers, qui ont révolutionné la physique moderne. Elle insiste aussi sur la nature évolutive de la connaissance scientifique.

 

Un masque et des palmes

Sans aller trop loin dans la comparaison, j’ai éprouvé un plaisir similaire à ce que j’avais ressenti en assistant une représentation de la pièce « Les Palmes de monsieur Schutz ». Il était également question des percées scientifiques du début du vingtième siècle et dans les deux cas, un troisième personnage moins connu, Rodolphe Schutz ou Georgette Magritte, amène une touche d’humour et éclaire la relation entre les deux personnages principaux, Pierre et Marie Curie dans un cas, George Lemaître et René Magritte dans l’autre.

 

Lemaitre Einstein et Millikan  George Lemaître entre Robert Millikan à gauche et Albert Einstein à droite. La théorie de l'atome
primitif reconnue. California Institute of Technology. Pasadena, 10 janvier 1933

 

Un œuf, un four à micro-onde, des ballons gonflés à l’hélium et un marteau sur la Lune

Le texte de Bénédicte Meyer et la mise en scène de Stéphanie Lanier veulent aussi montrer que la science n’est pas ennuyeuse et qu’elle permet aussi de rêver et de s’émerveiller.

Cela paraît difficile a priori quand on recense la liste des accessoires utilisés sur la scène. Entre autres un œuf, un four à micro-ondes, des ballons gonflés à l’hélium, des ampoules avec des faux contacts, un marteau et une plume sur la Lune, …

Un œuf au four à micro-ondes ? Pour les affamés, le théâtre du pavé propose une petite restauration avant la pièce.

Ils servent tous à illustrer les messages de la pièce. Même s’ils sont utilisés comme dans certaines animations pédagogiques de Planète Sciences (attention à l’ouverture du four à micro-ondes !), ils contribuent à rendre le texte accessible, compréhensible voire poétique. Tous les animateurs en astronomie se sont amusés au moins un fois à peindre des ronds sur un ballon de baudruche avant de le gonfler pour illustrer l’expansion de l’univers.

 L'Univers démasqué ou presque - Bénédicte Mayer - Régi

Un œuf et des ballons de baudruche pour illustrer la théorie du Big Bang.

 

S’y j’avais un marteau…

De la même manière, ils rêvent tous de pouvoir un jour vérifier la loi sur la chute des corps dans le vide, comme ont pu le faire les astronautes de la mission Apollo XV...

 

En 1971, sur la Lune, l'expérience de la chute de la plume et du marteau. David Scott et James Irwin,
deux astronautes de la mission Apollo 15 montrent expérimentalement la loi de Galilée
sur la chute des corps. “Well, in my left hand, I have a feather; in my right hand, a hammer.
And I guess one of the reasons we got here today was because of a gentleman named Galileo,
a long time ago, who made a rather significant discovery about falling objects in gravity
fields. And we thought where would be a better place to confirm his findings than
on the Moon”. Crédit image : NASA

 

Doc en stock

Cela ressemble à une démarche scientifique rigoureuse : l’auteur s’est visiblement beaucoup documenté avant d’écrire la pièce, aussi bien sur la biographie des personnages, les débats scientifiques qui ont accompagné la théorie du Big bang ainsi que le contexte théologique des années 50.

Par exemple, l’épisode du suicide de la mère de Magritte, qui se noie dans la Sambre en 1912. Ou encore le rôle joué par Fred Hoyle, cosmologiste et astronome britannique, à l’origine de la théorie de l'état stationnaire et principal détracteur de la théorie sur l’expansion de l’Univers : paradoxalement, en utilisant le premier le terme « Big Bang » au cours d’une émission radio de la BBC pour tourner en dérision les idées de George Lemaître, il va contribuer à populariser cette théorie.

 

Le point de vue de l’auteur

Bénédicte Mayer explique qu’un passage du livre « le Cosmos et le lotus » de Trinh Xuan Thuan, qui résume parfaitement ce que j'ai voulu exprimer dans sa pièce :

« Le processus de la création scientifique est étonnement proche de celui de la création artistique. Le scientifique, quand il découvre un aspect caché de la nature, et l'artiste, quand il crée une œuvre d'art, ressentent tous les deux le même sentiment exaltant de s'être approchés un très bref instant de la Vérité éternelle et d'avoir soulevé un modeste pan du Grand Mystère. » 

 

Kisskissbankbank et Kiss Kiss Big Bang…

Bénédicte Mayer et la compagnie La Chevelure de Bérénice ont fait appel au « crowd-funding » pour financer en partie leur projet. L’initiative est présentée sur le site Kisskissbankbank spécialisé en crowd-funding.

La collecte réalisée sert à finaliser le financement du décor et des costumes, un dispositif scénique autonome qui permettra aussi de jouer dans des écoles afin que les enfants découvrent que la science peut être aussi ludique que l'art. Le financement participatif sert également pour la création musicale originale. L’appel à la générosité de la foule est toujours ouvert et permettra de communiquer et d’aider à organiser une tournée.

 

L'Univers démasqué ou presque - Magritte et Lemaître - A

Un projet collectif qui se concrétise avec l’aide du public

 

Pour voir la pièce « L’Univers démasqué… ou presque » :

Dépêchez-vous : encore trois représentations à Toulouse. Si tout va bien, elle devrait ensuite tourner en France et en Belgique… Si vous êtes enseignants, allez-y avec votre classe !

Bizarrement, la pièce ne figure pas dans le programme de la Novela mais elle y aurait toute sa place.

Aller voir la pièce de Bénédicte Mayer est un moyen simple de s’intéresser à la pensée de George Lemaître. Cela reste particulièrement d’actualité, à une époque où les créationnistes et les partisans de l’intelligent design sont plus actifs que jamais….  

 Magritte - Affinités électives - 1933

Un œuf dans une cage. Les Affinités électives René Magritte, 1933

 

Pour voir la pièce à Toulouse…

  • Représentations du mardi 7 au vendredi 11 octobre 2014, 20 heures. A partir de 14 ans. Bord de scène soirée après la représentation : le jeudi 9/10.
  • C’est au Théâtre du pavé : 34, rue Maran à Toulouse. Téléphone : 05 62 26 43 66. Métro ligne B Station St-Agne SNCF. Possibilité de restauration sur place avant le spectacle. Tout près de la rue Saint-Thomas d’Aquin (cela ne s’invente pas, savoureux quand on connaît le sujet de la pièce).

Sur la pièce « l’Univers démasqué… ou presque » :

  • Un texte écrit par Bénédicte Mayer.
  • Mise en scène : Stéphanie Lanier.
  • Avec : Régis Santon, Alain Dumas et Bénédicte Mayer.
  • Scénographie, décor et affiche : Nicolas Thers.
  • Création lumière : Nicolas Simonin.
  • Musique originale : Olivier Gavignaud.
  • Costumes : ARAM, Catherine Gorne Achdjian.
  • Production : La Chevelure de Bérénice, Le Théâtre 95 et le Théâtre du Pavé.

Théatre Univers démasqué - Magritte et Lemaître - Big B

 

En savoir plus :

 

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