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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

A Tripoli, en Libye, le complexe de Bab Al-Azizia, la résidence de Mouammar Kadhafi, vu par satellite

Publié le 23 Août 2011 par Gédéon in Sécurité-et-défense

Confusion et incertitude…

Après les déclarations plus catégoriques de la journée de lundi, le ton des politiques et des médias était plus prudent mardi 23 au matin. « La victoire n'est pas complète… Il y a encore des poches de résistance » a déclaré sur Europe 1 Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères. Sur France Inter, Gérard Longuet, le ministre de la Défense, décrivait « une situation pas totalement aboutie ». Annoncé prisonnier la veille, Saïf al-Islam, un des fils de Kadhafi, a rencontré des journalistes dans la nuit du 22 au 23.

Même si les forces du Conseil national de transition (CNT) contrôlent désormais une partie de Tripoli, le complexe de Bab Al-Azizia, la résidence de Mouammar Kadhafi, n’est toujours pas tombé et les combats se poursuivent avec les soldats restés fidèles à Kadhafi.

La chaîne de télévision al-Jazeera rapporte des tirs d'armes lourdes à Bab Al-Azizya. L'OTAN a également signalé le tir de trois missiles sol-sol SCUD à partir des environs de Syrte ciblant la ville de Misrata.

Bien que l’épilogue puisse sembler proche, toutes ces informations montrent que la prudence reste de mise.

 

Une levée du « shutter control » américain en Lybie ?

Pour ces raisons, il est surprenant que des images satellites à haute résolution soient rendues publiques aujourd'hui, alors que, depuis plusieurs mois, il était impossible de voir la moindre image satellite de Lybie (sauf pour les résolutions les plus grossières). Digital Globe, une des sociétés américaines qui possèdent des satellites optique à haute résolution, vient ainsi de mettre en ligne sur son site Internet deux images en couleurs naturelles de quartiers de la ville de Tripoli acquises le 22 août 2011.

Sur la première image (dont le haut est orientée vers le nord), on identifie facilement le périmètre fortifié de Bab Al-Azizia, à l'intérieur duquel on voit :

  • au centre et légèrement à droite la résidence principale de Kadhafi, 
  • en haut, au milieu de la zone enherbée, deux tentes,
  • à l'extrémité supérieure gauche, un centre de communication (dédruit par les bombardement de l'OTAN du 16 juin).
  • également à gauche, des bâtiments visiblement endommagés par les bombardements.

Il est surprenant de voir le peu de véhicule dans les rue, à l'exception d'une concentration importante au niveau du rond-point en bas à droite de l'image. Un analyse plus approfondie de cette image et d'une autre image acquise le 23 août permet d'identifier d'autres bâtiments touchés par les bombardements de l'OTAN, à l'extérieur du périmétre de Bab Al Azizia.
 

Digital-Globe---Tripoli---Bab-Al-Azizia---22-08-2011.jpgImage satellite du complexe de Bab Al-Azizia (Gaddafi compound) à Tripoli (Libye) acquise le
lundi 22 août. La résolution est réduite d'une rapport deux environ par rapport à l'image d'origine.
Crédit image : Digital Globe.

L'image suivante correspond à un quartier plus au nord, à proximité du port. Elle couvre notamment la place verte, sur laquelle se tenaient les manifestations de "soutien spontané" à Kadhafi. Plus de portrait géant visible... comme c'était encore le cas fin juillet.

Digital-Globe---Tripoli---Place-verte---22-08-2011.jpg

Image satellite de la place verte (Green square) à Tripoli (Libye) acquise le lundi 22 août. La
résolution est réduite d'une rapport deux environ par rapport à l'image d'origine.
Crédit image : Digital Globe.

 

Il existe en effet une procédure pour limiter la diffusion des images satellites dans les zones sensibles. C’est le « shutter control », ou, en bon français, le « droit d’occultation », une règle que les états prennent la précaution de mettre en place dans leur loi spatiale ou dans le cadre des licences d’exploitation qu’ils accordent à des opérateurs commerciaux. Cela existe aux Etats-Unis mais aussi en France et en Allemagne.

Il s’agit de bloquer, quand c’est nécessaire, la diffusion d’images haute résolution pour des raisons politiques stratégiques nationales supérieures mais, quand ce n'est pas justifié, permettre cette même diffusion pour des raisons économiques ou commerciales. Toute la difficulté consiste à définir les limites de résolutions et les zones où les restrictions s’appliquent. Ces sujets sont très sensibles…

On peut légitimement penser que ce mécanisme de « shutter control » a été activé par les Etats-Unis depuis le printemps 2011 et la décision d'intervention de l'OTAN.

 

La loi spatiale françase et le cas particulier des « données d'origine spatiale »

En France, les conditions d'exploitation et de diffusion des images satellites relèvent de la loi spatiale adoptée le 3 juin 2008. Auparavant des dispositions s'appliquaient déjà à Spot Image dans la cadre de la convention de délégation de service public.

Le texte de loi spatiale traite d'abord des « opération spatiales », c’est-à-dire toute activité consistant à lancer ou tenter de lancer un objet dans l'espace extra-atmosphérique ou à assurer la maîtrise d'un objet spatial pendant son séjour dans l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ainsi que, le cas échéant, lors de son retour sur Terre.

L’exploitation des données d’observation de la Terre fait l’objet des articles 23, 24 et 25 du Titre VII (« données d’origine spatiale »).

Voici le texte des articles 23 et 24 qui décrit le droit d’occultation (shutter control).

  • Article 23 : Tout exploitant primaire de données d'origine spatiale exerçant en France une activité présentant certaines caractéristiques techniques définies par décret en Conseil d'Etat doit préalablement en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente. Ces caractéristiques techniques sont notamment fonction de la résolution, de la précision de localisation, de la bande de fréquence d'observation et de la qualité des données d'observation de la Terre faisant l'objet de la programmation d'un système satellitaire ou reçues.
  • Article 24 : L'autorité administrative compétente s'assure que l'activité des exploitants primaires de données d'origine spatiale ne porte pas atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, notamment à la défense nationale, à la politique extérieure et aux engagements internationaux de la France. A ce titre, elle peut, à tout moment, prescrire les mesures de restriction à l'activité des exploitants primaires de données d'origine spatiale nécessaires à la sauvegarde de ces intérêts.

Un premier décret d’application a été publié au Journal Officiel du 10 juin 2009 et précise les points suivants : les « données d'origine spatiale » sont les données issues de capteurs optiques panchromatiques, de capteurs optiques multi-spectraux, de capteurs optiques stéréoscopiques, de capteurs infrarouges et de capteurs radar, dont les caractéristiques de résolution et de précision sont fixées par décret.

L'autorité administrative mentionnée à l'article 23 est le secrétaire général de la défense nationale.

La sauvegarde des intérêts mentionnés à l’article 24 peut passer par des mesures de restriction suivantes :

  • la suspension immédiate, totale ou partielle, de la programmation ou de la réception pour une durée temporaire reconductible,
  • l'obligation de différer la programmation, la réception ou la production des images, pour une durée temporaire reconductible,
  • l'interdiction permanente de programmation ou de réception,
  • la limitation de la qualité technique des données,
  • la limitation géographique des zones de prises de vue.

Les décisions de restriction peuvent être protégées conformément aux dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale (cela veut dire que le fait qu'une zone soit soumise à restriction n'est pas forcément rendu public). L'autorité administrative informe les membres de la commission interministérielle des décisions prises.

Des lois équivalentes existent aux Etats-Unis et en Allemagne par exemple.

 

En savoir plus :

 

Suggestions d'utilisations pédagogiques en classe :

  • Analyser en détails les images de la zone de Bab Al-Azizia et localiser les bâtiments touchés par les bombardements. Classer ceux pour lesquels l'identification ne présente aucune dififculté et ceux pour lequel il y a un doute.

 

 

 

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