Le sénat a publié le 16 juin une première version du rapport de la mission d’information sur la tempête Xynthia. Coïncidence du calendrier : cette publication intervient le jour où le département du Var se réveille d’une journée douloureuse avec des inondations exceptionnelles et dramatiques qui ont causé la mort d’au moins vingt-cinq personnes.
Le rapport fait une analyse de la gestion de la catastrophe causée par Xynthia, depuis la prévision de la tempête jusqu’à l’intervention des secours et les débats sur les constructions en zone inondables. Les sénateurs ont cherché à identifier les défaillances dans l’anticipation du risque.
Une chose est frappante dans ce rapport : à l’exception du rôle des satellites météo qui ont permis, avec les modèles de Météo France, une bonne prévision globale de l’évolution de Xynthia, il n’est pas fait mention du rôle possible des technologies spatiales en support aux opérations de secours, d’une part pour la mise en place des moyens de communication de secours à la suite de la défaillance des réseaux de communication terrestres (ce sujet est abordé en détail dans le rapport) et, d’autre part pour la fourniture de cartes et d’informations géographiques sur la situation à partir des données produits par les satellites d’observation de la Terre. Force est de constater que le rôle du spatial est encore insuffisamment connu ou reconnu…
La publication de ce rapport est l'occasion d'un retour en arrière sur la tempête Xynthia...
Valeur maximale des vitesses de vent observées les 27 et 28 février 2010
(Crédit image: Météo France)
L’impact de Xynthia :
D’une violence exceptionnelle, la tempête Xynthia a durement frappé le littoral atlantique le 28 février dernier. Les départements de Vendée et de Charente-Maritime ont été particulièrement touchés. Xynthia a causé de nombreuses victimes. 53 personnes ont péri en France, et 79 ont été blessées. La tempête Xynthia a traversé la France entre 0 h 00 et 17 h 00 le samedi 28 février 2010, passant de la Charente-Maritime aux Ardennes, après avoir touché les sommets de certaines vallées des Pyrénées dans l’après-midi du 27.
L’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et, dans une moindre mesure, le Royaume Uni, la Scandinavie et les pays bordant la mer Baltique, ont également été touchés, avec au total 65 personnes décédées. En France, la tempête Xynthia a entraîné de dégâts matériels considérables. De nombreuses maisons ont été gravement endommagées dans les départements de Vendée et de Charente-Maritime.
L’économie locale a été également gravement affectée, avec des conséquences durables : Dans le domaine de l’agriculture, plus de 500 exploitations et 52000 hectares ont été inondés : le sel rend ces terres agricoles infertiles pour plusieurs années. Les ostréiculteurs de Vendée implantés dans les zones frappées par Xynthia ont subi des taux de perte de 50 à 100 %.
Image du satellite Meteosat 9 acquise le 27 février 2010. Composition RGB
(Crédit image : Eumetsat)
(Crédit image : Eumetsat)
Le caractère exceptionnel de la tempête Xynthia :
Le rapport confirme les raisons déjà connues pour expliquer l’impact de Xynthia : son creusement est celui d’une dépression hivernale, moins rapide que celui des tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999 et Klaus de janvier 2009. Même si Xynthia n’a pas été qualifiée de « tempête explosive », son caractère exceptionnel est dû à la concomitance de :
- la « surcote » produite par la tempête elle-même (élévation des eaux marines à une latitude anormalement basse, pour remonter vers le sud-ouest, puis le nord-ouest de l’Europe en quelques heures seulement.
- le coefficient de la marée (102, pour un maximum de 120 pour les plus hautes marées astronomiques). Note : le 28 février 2010 correspondait à la pleine lune.
Le rapport du sénat confirme que la « surcote » météorologique s’est superposée au maximum de la marée en période de pleine mer, conduisant à des hauteurs d’eau d’un niveau exceptionnel. A partir des enregistrements de ses marégraphes, le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) confirme que la hauteur d’eau résultante a dépassé les niveaux statistiques de retour centennal sur le littoral de Vendée et de Charente-Maritime, atteignant la cote de 4,506 mètres NGF (nivellement général de la France).
Une fragilité accrue du « trait de cote » :
Le trait de côte français a une longueur estimé à à 5 850 km. Les vagues, du vent, des courants et de la flore agissent naturellement sur la position du trait de côte, avec un déplacement des dunes et estuaires. Ce phénomène naturel est accentué par des actions d’origine humaine, avec deux causes principales :
- D’abord, le réchauffement climatique entraîne une augmentation annuelle du niveau de la mer. Cette élévation est estimée de 2 à 3 mm par an avec une projection de 20 à 50 cm d’ici cinquante ans.
- Ensuite, le littoral subit un recul causé par la modification des courants marins résultant d’aménagements côtiers, la destruction des laisses des mers provenant du nettoyage des plages, l’érosion des falaises, l’assèchement de marais entraînant un tassement.
Le rapport des sénateurs mentionne qu’une étude réalisée par l’Institut français de l’environnement (IFEN) en 2006 indiquait que 25 % du trait de côte reculaient. 25,9 % des côtes érodées étaient des zones urbanisées, commerciales ou artificialisées, 9,7 % étaient des terres labourées et 17,4 % des plages et des dunes.
Le rapporteur écrit notamment : « La fragilisation des barrières naturelles protégeant le littoral a un lien direct avec les phénomènes de submersion marine. Celui subi par La Faute-sur-Mer dans le secteur de la Belle Henriette s’explique en partie par la rupture du cordon dunaire l’abritant de l’océan atlantique. »
Des conséquences aggravées par une insuffisante anticipation du risque ? La faute au maire à la Faute-sur-mer ?
C’est une des questions principales qu’abordent les sénateurs dans leur rapport. Les réponses qu’ils apportent concernent toute la chaîne de gestion du risque :
- une prévision qui n’a pas permis d’anticiper correctement les risques à terre,
- une vigilance insuffisamment opérationnelle,
- une prévention incomplète du risque de submersion marine,
- une occupation des sols exposant au risque d’inondation,
- un entretien très inégal des digues.
Le volet prévention, ou plutôt prévention insuffisante, est clairement mis en avant par les sénateurs impliqués dans la mission d’information qui constatent de « sérieuses carences sur le plan local de la politique nationale de prévention des risques naturels » et « des zones où le risque a été nié et n’a pas été pris en compte, ce qui a entraîné non seulement des dégâts aux biens, mais par-dessus tout des pertes de vies humaines ».
Le rapport cite également un nombre « relativement élevé » de Plans de Prévention des risques (PPR) « inondation » non encore adoptés par rapport au nombre de plans approuvés. Ce sont paradoxalement dans les communes littorales, davantage soumises au risque de submersion, que ses plans font défaut. Selon les chiffres communiqués par la secrétaire d’Etat à l’écologie, Mme Chantal Jouanno, lors de son audition par la mission d’information, seuls 46 PPR ont été approuvés et 71 prescrits sur les 864 communes de ce type.
De même, les plans communaux de sauvegarde sont souvent encore embryonnaires. Leur apport est pourtant essentiel : créés par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, les plans communaux de sauvegarde (PCS) s’intègrent dans l’organisation générale des secours. Est-il possible d’envisager une évacuation dans de bonnes conditions sans PCS établi à l’avance ? Les sénateurs insistent dans leur rapport sur la « quasi-inexistence de PCS dans les zones les plus exposées », alors que le décret d’application de la loi du 13 août 2004 précitée rendait obligatoire, avant le 13 septembre 2007, la mise en place d’un PCS dans les communes dotées soit d’un PPR, soit d’un plan particulier d’intervention (PPI).
A titre d’exemple, des communes aux épisodes de crues cévenoles ont mis en place des Plans Communaux de Sauvegarde pour faciliter les décisions en cas d’évènement de ce type. C’est un des principaux services que propose la société Predict Services à Montpellier, filiale commune de Météo France, BRL et EADS Astrium.
L’activation du service GMES SAFER : des cartes de situation produites à partir des satellites d’observation de la Terre
Le service européen GMES SAFER a été activé le samedi 27 février à 20h00 par le COGIC. Les équipes de Spot Infoterra ont assuré la coordination opérationnelle et les cartes ont été produites par les équipes de cartographie rapide du SERTIT. Plusieurs satellites ont été mobilisés pour fournir des images permettant d’évaluer l’étendue des zones touchées : Spot 4 et Spot 5, Envisat ASAR, Kompsat-2, Radarsat-2, etc.
Les actions de support après le passage de Xynthia correspondent à la 29ème activation du service GMES SAFER depuis avril 2009. Le rythme des activations reste malheureusement soutenu avec l’activation n°42 déclenchée le 15 juin 2010.
Deux images acquises par le satellite Spot 4 avant et après le passage de Xynthia
(Copyright CNES – Distribution Spot Image)
Un exemple de carte produite par le SERTIT après l’activation du service GMES SAFER par le COGIC
(Crédit image : SAFER - SERTIT)
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Dans les Hautes-Pyrénées aussi, à proximité d’Arrens-Marsous. A droite, une photographie prise en mai 2010 où les dégâts de Xynthia sur la forêt sont clairement mis en évidence en raison de la couverture neigeuse (Crédit image : Planète Sciences Midi-Pyrénées)
En savoir plus :
- Sur le site du sénat, le rapport d’étape de la mission d’information (rapporteur : Alain ANZIANI).
- Sur le site du service GMES SAFER, les informations produites après la tempête Xynthia à partir de données des satellites d’observation de la Terre.
- Le site du SERTIT avec le cartes produites après le passage de la tempête Xynthia.
- Sur les plans communaux de sauvegarde : les activités de la société Predict Services.
- Sur l'avancement des PPR en Vendée et en Charente-Maritime
- La tempête en images sur le site du journal Libération.
- Les pages de Météo France sur la tempête Xynthia.
- Pour information, la mission d’information du sénat est composée des personnes suivantes : M. Bruno Retailleau, président ; MM. Éric Doligé, Michel Doublet, Ronan Kerdraon, Jean-Claude Merceron, vice-présidents ; Mme Marie-France Beaufils, MM. François Fortassin, Daniel Laurent, secrétaires ; M. Alain Anziani, rapporteur ; M. Claude Belot, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Michel Boutant, Philippe Darniche, Yves Dauge, Charles Gautier, Mme Gisèle Gautier, M. Pierre Jarlier, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Le Cam, Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Paul Raoult, Daniel Soulage, Mmes Catherine Troendle, Dominique Voynet.
Suggestions d’utilisations pédagogiques en classe :
- Travail bibliographique sur la tempête Xynthia : origine, trajectoire, dégâts. Comparaison avec d'autres tempêtes hivernales : Klaus, Lothar et Martin, Kyrill, etc.
- Organiser un travail de préparation d’un plan de prévention ou un plan communal de sauvegarde : à partir de plans et en cherchant à mettre en place une coopération avec les services municipaux, analyser la situation de la commune. Réflèchir avec les élèves sur les informations à y faire figure. Version plus ambitieuse avec un "jeu de rôle" sur le cycle complet de la crise.
- Exercices de cartographie rapide ou de détection de changement sur des paires d'images avant - après.
- A consulter une liste des ressources pédagogiques mises en ligne sur la site de l'académie de Nantes, le dossier préparé par Yves Guiet (académie de Limoges) et une liste de jeux de données de référence sur Xynthia.