L’incendie qui faisait rage depuis vendredi en Israël à proximité de la ville d’Haïfa a été maîtrisé dimanche. Les flammes ont tué 41 personnes, parcouru 5000 hectares et cinq millions d'arbres auraient brûlé. Dans le premier article sur cette catastrophe, j’indiquais que le service européen GMES SAFER avait été activé par la charte internationale « Espace et catastrophes majeures », elle même déclenchée par le Direction de la Sécurité Civile Française.
La cartographie rapide : une des missions du service GMES de réponse aux situations d'urgence
C’est dans le cadre du service européen GMES SAFER, dont les opérations sont dirigées par Spot Image (filiale d’Astrium Services) que le SERTIT, une équipe française de l’Université de Strasbourg, spécialiste de la cartographie rapide, a produit les premières cartes détaillées à partir d’images satellites.
Comme souvent dans ce type de crise, deux types de cartes ont été fournis :
- Des cartes de référence, qui décrivent la situation avant la catastrophe, facilitent le déploiement des moyens de secours mis en œuvre et identifient les enjeux, dans ce cas les zones boisées, mais également les villes, les villages et l’habitat isolé. La première illustration ci-dessous est une carte de référence produite par le SERTIT à partir d’une image d’archive du satellite Spot 5. Cette carte a été livrée le 4 décembre à 13 heures.
- Des cartes délimitant les zones brûlées ou parcourues par l’incendie. Ces cartes servent pendant les opérations de secours mais également après lorsque le moment est venu de faire un inventaire détaillé des dégâts. Les deuxièmes et troisièmes images sont deux cartes de dégâts mises à disposition des utilisateurs le samedi 4 décembre entre 22 et 23 heures.
Carte de référence produite par le SERTIT dans le cadre du service européen GMES SAFER à la
demande de la Charte Internationale « Espace et catastrophes majeures ». L’échelle de la carte est de 1/12500. La carte est construite à partir d’une image à 2,5 mètres de résolution acquise par le satellite
Spot 5 le 25 décembre 2009 et de données vectorielles provenant de la société ESRI. On peut noter l'importance des surfaces boisées et on voit en particulier la prison Damon : 37 des 42 victimes sont
des gardiens de prison qui étaient venus pour transférer les prisonniers. Crédit image : SERTIT
(Université de Strasbourg). Image source : Copyright CNES - Distribution Spot Image.
Dans le cas de l’incendie d’Israël, les deux types de cartes ont été produits en urgence, la carte de dégâts étant la plus délicate puisqu’il faut également programmer les satellites pour acquérir des images pendant ou après l’incendie. Pour le feu du mont Carmel, c’est le satellite allemand Rapid Eye qui a été utilisé. Les mécanismes d’acquisition d’images, que ce soit la charte internationale « Espace et catastrophes majeures « ou le service européen GMES (Global Monitoring for Environment and Security), reposent sur la programmation en urgence d’une flotte de satellites optiques ou radar. Cette formule, qui met à contribution des satellites européens (comme la famille Spot, TerraSAR-X, Rapid Eye, Cosmo Skymed, DEIMOS, DMC, Envisat, …) ou d’autres opérateurs de satellites non européens (IRS, Geoye, Radarsat-2). Dans le cas de GMES, c’est l’Agence Spatiale Européenne qui assure la coordination des opérations d’acquisition des images. Le choix du satellite dépend du type de crise : par exemple, les images des satellites optiques sont bien adaptés à la cartographie des zones brûlées alors que dans le cas des inondations, on privilégie souvent les capteurs radar (SAR pour synthetic aperture radar ou, en français, radar à synthèse d’ouverture), à la fois parce que les inondations vont souvent de pair avec une forte couverture nuageuse et parce la signal radar est bien adapté à l’identification des surfaces d’eau. Je donne deux exemples plus loin dans cet article. Le choix des satellites dépend également des orbites respectives des satellites : à caractéristiques similaires, le critère numéro un est la rapidité d'acquisition d'une bonne image.
Deux cartes de dégâts produites par le SERTIT dans le cadre du service européen GMES SAFER à la
demande de la Charte Internationale « Espace et Catastrophes majeures ». L’échelle de la carte du
haut est de 1/25000, en bas de 1/12500. Les deux cartes sont construites à partir d’une image
acquise par le satellite allemand Rapid Eye le 4 décembre 2010. Plusieurs foyers encore actifs le 4
décembre sont visibles. Crédit image : SERTIT (Université de Strasbourg).
Image source : copyright Rapid Eye AG 2010
Pour toute la chaîne d’actions entre la demande formulée par les organisations en charge des opérations de secours et la livraison des informations, le mot d’ordre est la rapidité et la réactivité. Par exemple, les équipes du SERTIT sont capables de livrer leurs cartes en quelques heures, après réception des images. Le travail consiste à interpréter visuellement les couleurs de l'image satellite avant et après la crise. Selon les cas, des outils automatiques peuvent faciliter la tâche du photo-interprète.
Pour les cartes de référence, une autre formule consiste à les produire à l’avance sur des zones identifiées comme étant des zones à risques, en Europe (mais on dispose généralement de bonnes cartes) ou plus souvent en dehors de l’Europe, dans les régions soumises à des aléas récurrents comme par exemple, les ouragans (voir la série d’articles sur ce thème) ou les tremblements de terre. En Europe, les cartes de référence peuvent porter sur des « thèmes » particuliers, comme la cartographie détaillée du couvert végétal (dans les zones méditerranéennes affectés par les feux de forêts) ou celle de l’habitat isolée et des zones urbaines en développement. En France par exemple, l’IGN indiquait en 2007 que l’âge moyen de ses fonds cartographiques au 1/25.000 était de 7,2 ans pour un âge maximum de 11 ans. Cette seconde méthode, complémentaire de la cartographie rapide, est utilisée par le service GMES SAFER : une dizaines de sociétés européennes (Spot Image, Infoterra, Metria, Keyobs, etc.) y contribuent. Elles interviennent également dans les évènements de longue durée comme c’est malheureusement souvent le cas pour les crises humanitaires.
Ailleurs en Europe, les inondations liées aux intempéries : Bretagne, Cherbourg et Cotentin. Les équipes GMES SAFER mobilisées sur plusieurs fronts.
En France, la fonte de la neige du début de semaine entraîne des inondations dans plusieurs régions, en particulier en Bretagne et en Normandie. De fortes précipitations ont également affecté les pays des Balkans ces derniers jours, provoquant des inondations dans de nombreuses régions, des milliers de personnes ont été forcées d’évacuer leurs habitations.
Dans la semaine pendant laquelle l’incendie en Israël s’est déclaré, le service GMES SAFER de réponse aux situations d’urgence a également été activé à deux reprises pour des inondations en Albanie et en Croatie.
Mettre en place un service opérationnel dont on n’espère n’avoir jamais à ce servir mais qui doit être efficace et réactif, à tout moment, voici le dilemme que doit résoudre les équipes en charge de la réponse aux situations d’urgence dans GMES.
La solution repose sur :
- L’utilisation d’une « flotte » de satellites d’observation pour maximiser les possibilités d’acquérir très vite une image exploitable.
- La mise en place de plusieurs équipes capables d’extraire les informations de ces images et réaliser la cartographie rapide, pour faire face à plusieurs crises simultanées ou être capable d’assurer une montée en charge pour les évènements de grande ampleur. Le SERTIT a assuré la production dans le cas de l’incendie d’Israël. C’est le DLR (Agence Spatiale Allemande) qui a produit les deux cartes ci-dessous dans le cas de la Croatie.
- La coordination opérationnelle du service par une équipe dédiée, appelée « point focal » (focal point), qui assure la relation avec le ou les utilisateurs (pour les évènements importants, comme par exemple le tremblement de terre en Haïti en janvier 2010 ou les inondations au Pakistan pendant l’été 2010, deux, trois ou même quatre organisations différentes peuvent solliciter le service GMES), qui gère l’interface avec les fournisseurs d’images satellite et qui coordonne les travaux des équipes de production. Cette séparation fonctionnelle entre les équipe de production et les
Toutes ces composantes du service GMES travaillent en astreinte et assurent une disponibilité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Deux ingénieurs de la société Spot Image (Astrium Services) ont joué ce rôle pour l’incendie en Israël, d’une part, et les inondations en Croatie et en Albanie, d’autre part.
Inondations dans les villes de Metkovic et Perusic en Croatie à cause de la crue de la rivière Neretva.
Deux cartes des zones inondées produite par le DLR dans le cadre du service européen GMES SAFER.
Les zones inondées sont délimitée par une méthode semi-automatique à partir d'une image radar
Cosmo Skymed acquise le 3 décembre. L'image de référence est une image Spot 5 du 24 juin 2007.
Crédit image : DLR.
En savoir plus :
- Le site du service européen GMES SAFER.
- Le site de la Charte internationale "Espace et catastrophes majeures".
- Les pages cartographie rapide sur le site du SERTIT.
- Sur le site jeunesse du CNES, des pages pédagogiques sur le rôle du spatial dans la gestion des risques et des crises.
- Deux autres articles sur l'incendie en Israël parus vendredi 3 décembre et samedi 4 décembre 2010.
- Sur le site du journal Boston Globe, une série de photographies sur le blog Big Picture d'Alan Taylor. Attention, quelques photographies peuvent choquer.
Suggestions d'utilisations pédagogiques en classe :
- Eudier le "cartouche" des cartes présentées ici et comprendre la signification des différents éléments : échelle, source de données, légende, etc.
- En utilisant la carte de référence et les cartes des dégâts produites par le SERTIT, estimer la surface parcourue par le feu. Attention à prendre en compte les échelles des cartes.
- Voir également les suggestions sur les autres articles sur le thème des catastrophes naturelles sur le blog Un autre regard sur la Terre.