Le bilan 2019 des lancements orbitaux du blog Un autre regard sur la Terre.
Image de fond : Lancement du vaisseau Starliner par une fusée Atlas V N22 en décembre 2019.
Crédit image : Ed Piotrowski
31 décembre : 2019 a tiré sa révérence… Voici mon bilan de l’année spatiale 2019.
Une année très différente de 2018 mais très instructive en termes de lancements orbitaux et de satellites mis en orbite. Comme en 2018, je commence par une synthèse des lancements orbitaux. Dans un deuxième article, je reviendrai plus en détails sur les satellites mis en orbite cette année.
Si trouvez le texte trop long, jetez un œil sur les figures qui résument bien les principaux messages... Je publierai aussi un petit thread sur twitter pour les lecteurs pressés (pour me suivre : @RegardSurTerre)
D'abord, quelques chiffres globaux pour donner des points de repères...
Lancements orbitaux 2019 : moins bien que 2018 mais un très bon cru
La barre était haute pour dépasser le niveau de l’année 2018, la meilleure année depuis 20 ans avec 110 lancements orbitaux nominaux. L’année 2019 a néanmoins été une année très riche, avec notamment un feu d'artifice au mois de décembre : un record de 15 lancements orbitaux tous réussis.
En guise de résumé très condensé de l’année spatiale 2019, voici quelques chiffres-clés :
- 97 lancements orbitaux réussis. Il y a eu au total 103 tentatives de lancements orbitaux, avec 6 échecs (5 échecs en vol si on ne prend pas en compte la destruction du lanceur iranien pendant les préparatifs de lancement).
- 441 satellites ont été directement mis en orbite par une fusée (412 en 2018). 139 autres satellites, essentiellement des cubesats, ont été « lâchés » depuis l’ISS, un cargo de ravitaillement ou un autre satellite. Au total, cela fait 580 satellites qui sont en orbite de manière autonome en 2019.
- 3 vols habités, tous effectués avec le lanceur russe Soyouz, ont emmené 9 personnes vers l’ISS. La parité n’est pas encore au rendez-vous : sur les 9 passagers, il y a eu seulement deux femmes.
- Sept pays ont réussi des lancements orbitaux à partir de leur territoire : en 2019, la Nouvelle-Zélande confirme son entrée dans le club grâce à la société américaine Rocket Lab qui confirme également la fiabilité de son petit lanceur. D'accord, la Société Rocket Lab est d'abord une société américaine mais je continue à utiliser le critère du pays de lancement...
- 395 tonnes ont été satellisées. La masse moyenne par satellite est de 681 kg, en forte baisse par rapport à 2018 (813 kg), masquant à nouveau une très grande disparité des tailles et masses de satellites : de quelques grammes à 16,5 tonnes…
L’année spatiale 2019 résumée en quelques chiffres.
Image de fond : en décembre 2019, décollage de la 250ème fusée Ariane 5 (mission VA250).
Un beau cadeau d’anniversaire pour célébrer le 40ème anniversaire du premier lancement d’Ariane.
Crédit image : ESA – CNES – Arianespace – Optique vidéo du CSG – P. Piron. Infographie : Gédéon
2019 : accélération au second semestre
L’année 2019 a démarré mollement : moins de 7 lancements par mois jusqu'en juin et quatre échecs sur les cinq échecs en vol de l'année. En juin, le score de 2018 paraît vraiment hors de portée.
A cette époque de l’année, il semble évident que le match de 2018 entre la Chine et les USA va se rejouer : fin juin, la Russie n’a effectué que 5 lancements orbitaux. Le rythme russe va s’accélérer à partir de juillet. Au final, la Russie rafle in extremis la seconde place du podium aux américains.
Il faut attendre le moins de juillet pour dépasser pour la première fois 10 lancements (11 dont un échec). Pas de vacances en août pour les fusées : 11 lancements orbitaux réussis et un échec en Iran pendant les préparatifs d’un lancement.
Septembre et octobre sont à nouveau des mois calmes avec respectivement 7 et 5 lancements réussis, avant la reprise en novembre (12 lancements réussis) et le feu d’artifice de décembre (15 lancements, tous réussis).
Au final, la moyenne mensuelle est de 8,1 lancements orbitaux réussis (8,6 pour les tentatives de lancements).
Pour mémoire, il y en avait eu 114 tentatives de lancements orbitaux en 2018, 91 en 2017, 85 en 2016 et 86 en 2015. Un bon cru donc…
Les lancements orbitaux de l’année 2019, mois par mois...
Analyse mensuelle : nombre de fusées lancées, nombre de satellites et masse satellisée.
Infographie : Gédéon.
Parfois ça rate…
L’année 2019 a vu malheureusement plusieurs échecs au lancement ou pendant les préparatifs. Au total 5 ou 6 échecs selon qu’on compte ou non l’explosion du lanceur iranien Safir-1B le 29 août 2019 à Semnan pendant les opérations préalables au lancement. Cet évènement a eu au moins comme intérêt de dévoiler au grand public un exemple d’image d’un satellite de reconnaissance américains de type KH-11 (dit Kennan ou Evolved Enhanced Crystal, a priori le satellite US 224) que Donald Trump a publié le 30 août sur son compte twitter… Cela a beaucoup intéressé les fans d'observation de la Terre.
Il y a eu deux autres échecs iraniens avec une défaillance du lanceur après le décollage, un lanceur Simorgh le 15 janvier 2019 et un autre Safir-1B trois semaines plus tard. Il y a eu également l’échec du vol inaugural de la fusée OS-M1 de la société chinoise OneSpace le 27 mars 2019.
Les deux autres échecs répertoriés sont plus problématiques puisqu’ils concernent des lanceurs en exploitation opérationnelle :
- Le 22 mai 2019, une fusée Chang Zheng 4C qui devait mettre en orbite le satellite d’observation Yaogan 33. L’échec est apparemment dû à une défaillance du troisième. Le lanceur CZ4C avait connu 9 succès consécutifs depuis une défaillance en août 2016.
- Le 11 juillet 2019, c’est la mission VV15 de la fusée européenne Vega qui interrompt brutalement une série de 14 lancements réussis. A bord, le satellite émirati FalconEye 1, également un satellite d’observation, ne survivra pas à la défaillance du moteur Zefiro 23 après l’allumage du deuxième étage. Un rapport d’enquête très préliminaire a été publié en septembre 2019 ("défaillance thermo-structurale dans le dôme avant du moteur Z23", "aucune indication d’un acte de malveillance") mais les causes précises de l’accident n’ont pas encore été rendues publiques.
Puissances spatiales : un podium très disputé
Sept pays ou groupes de pays ont réussi au moins un lancement orbital et peuvent revendiquer en décembre 2019 le titre de « puissance spatiale ». Il n’y a pas de nouvel entrant cette année.
Mon critère est le pays où est situé le site de lancement. En gros, je considère plus la loi spatiale qui s’applique que la nationalité du lanceur. Ainsi, dans mon bilan, les lanceurs Soyouz lancés en Guyane sont des fusées russes mais ces lancements sont comptabilisés dans le total européen. De même, la Nouvelle-Zélande confirme son statut de puissance spatiale grâce au succès de la fusée Electron de la société privée Rocket Lab lancées 6 fois depuis le site de Mahia en 2019.
L’Iran a tenté sans succès d’effectuer trois lancements. Ni Israël ni la Corée du Nord n’ont effectué de lancement orbital en 2019.
Les lancements orbitaux de l’année 2018 : pays lanceurs, nombre de lancements, nombre de satellites et masse totale satellisée.
Infographie : Gédéon. Image de fond :
Longue marche sur la première marche
En terme de nombre de lancements, la répartition est très inégale…
La Chine occupe clairement la première place avec 32 lancements réussis (et deux échecs dont un premier vol). La Russie décroche in extremis la médaille d’argent avec 22 lancements tous réussis, coiffant au poteau les Etats-Unis avec 21 lancements. Certaines sources indiquent que le score de la Russie n’est pourtant pas à la hauteur des ambitions de la patrie de Gagarine et de Korolev qui visait un nombre encore plus élevé. Alors qu’on voyait s’installer un duel Chine – USA, on va peut-être entendre davantage parler des ambitions spatiales russes dans les années à venir...
A eux trois, Chine, Russie et Etats-Unis représentent plus de 75% des lancements effectués en 2019.
Derrière, L’Europe est en retrait par rapport à 2018, notamment à cause de l’échec Vega : 8 lancements réussis contre 11 en 2018.
Derrière, l’Inde (6 lancements), la Nouvelle-Zélande (6 lancements) et le Japon (deux lancements en 2019).
Les lancements orbitaux de l’année 2019 : la course à l’orbite entre la Chine, la Russie et les USA.
Cumul des lancements effectués au cours de l’année. Infographie : Gédéon.
Image de fond : décollage de la fusée Chang Zheng 5 en décembre 2019
Au niveau des sites de lancement, Cape Canaveral (USA), Baikonour (Russie) et Xichang (Chine) sont à égalité à la première place avec 13 tentatives de lancements. Derrière Taiyuan (Chine) avec 10 tentatives de lancement puis, à égalité à la troisième place, le Centre Spatial Guyanais (Europe) et Jiuquan (Chine) avec 9 lancements. 8 lancements orbitaux ont été effectués depuis Plesetsk en Russie.
En impesanteur, de la masse pour faire le poids…
Mais se limiter au nombre de lancements masque la réalité de l’activité spatiale…
Le classement des puissances spatiales est sensiblement différent quand on prend en compte la masse totale satellisée (par pays lanceur). Avec ce critère de masse mise en orbite, les USA occupent une première place incontestée avec environ 165 tonnes soit environ 42% de la masse totale mise en orbite.
Loin derrière, la Russie et la Chine ont respectivement mis en orbite 83 tonnes (à comparer à 64 tonnes en 2018) et 75 tonnes (64 tonnes également en 2018). L’Europe suit avec un peu plus de 45 tonnes, en forte baisse par rapport à 2018 (57 tonnes). Au total, ces quatre pays représentent plus de 93% de la masse totale satellisée en 2019. Attention : les chiffres sont diffèrents quand on s'intéresse à la masse satellisée par pays propriétaire des satellites.
Dans un prochain article, je présenterai une analyse détaillée des satellites mis en orbite en 2019. La liste des pays propriétaires de satellites confirme la suprématie américaine dans l’espace : 375 des satellites lancés en 2019 (65% du total, près de 39% de la masse totale mise en orbite) appartiennent à des opérateurs américains, 169 si on ne prend en compte que les satellites de masse supérieure à 10 kg.
Les lancements orbitaux de l’année 2018 : évolution de la masse totale satellisée par les sept pays lanceurs.
Infographie : Gédéon. Image de fond : déploiement de 60 satellites de la constellation Starlink
Crédit image : SpaceX)
Lanceurs et fusées : le jeu des sept familles et l’arrivée remarquée des petits nouveaux
En 2019, 19 familles de lanceurs ont effectué au moins un vol orbital réussi.
En tête du classement du nombre de lancements, les fusées chinoises Chang Zheng (Longue marche) avec 25 vols réussis (26 tentatives), surtout la Chang Zheng 3B (9 lancements) mais au total 11 versions ont été mises en œuvre en 2019. On peut notamment saluer le retour en vol réussi du lanceur lourd Chang Zheng 5, le dernier lancement orbital de 2019 effectué le 27 décembre). Un jalon important pour la suite du programme d’exploration lunaire et martien chinois.
Sur la deuxième place du podium, la famille Soyouz avec 18 vols tous réussis. 7 vols étaient à destination de l’ISS dont les trois vols habités MS-12, MS-13 et MS-15. Trois vols (comme en 2018) ont été effectués sous la responsabilité d’Arianespace en Guyane, avec notamment la mise en orbite des six premiers satellites Oneweb.
La famille Falcon de SpaceX, avec 13 vols réussis en 2019, est très en retrait de son score 2018 (21 vols réussis). Par contre, la fusée Falcon Heavy continue à réaliser un sans-faute avec deux vols réussis. L’un des deux, le 25 juin 2019, a montré une caractéristique intéressante de la Falcon Heavy : sa capacité à injecter des satellites sur plusieurs inclinaisons d’orbite (24°, 28.5° et 42.2°). SpaceX a aussi confirmé en 2019 son engagement dans la réutilisation (étage principal, boosters, coiffe, vaisseau Dragon). Je prévois un petit article spécifique sur ce sujet…
Derrière le trio de tête, tous les autres lanceurs classiques ont effectués moins de 5 vols réussis : 5 lancements Proton et PSLV, 4 lancements Ariane 5, 3 lancements Delta, 2 lancements Atlas, Rokot et Vega.
Les lancements orbitaux de l’année 2019 : types de fusée et familles de lanceurs.
Infographie : Gédéon. Image de fond : lancement de la fusée Atlas V N22 en décembre 2019
(Crédit image : Ed Piotrowski)
Small is beautiful : l’arrivée de nouveaux petits lanceurs…
Rocket Lab, qui avait réussi le premier vol orbital du petit lanceur Electron en 2018, confirme la fiabilité de son produit avec 6 lancements, tous réussis, effectués en 2019. La charge utile totale mise en orbite reste modeste (moins de 600 kg pour 23 satellites) mais la startup américaine a su convaincre des clients exigeants comme le département de la défense américain (USAF, DARPA). Le rythme de lancement est moins soutenu que les annonces initiales de Rocket Lab mais une fréquence de un lancement par mois ne semble pas hors de portée. Les chiffres actuels posent néanmoins la question du modèle économique : quel prix au kilo ou quel nombre de lancements annuel permettent de rendre viable une activité où seulement 100 à 150 kg sont mis à orbite à chaque lancement ? Allons-nous voir une évolution vers de « plus gros petits lanceurs ».
La stratégie consistant à proposer une offre d’accès à l’espace pour des satellites de taille modeste (de quelques kilos à 150-250 kilos en orbite basse) a néanmoins donné des idées à d’autres sociétés, notamment en Chine. La concurrence sur les petits lanceurs semble devoir devenir plus féroce. En 2019, sur ce marché, à côté de Rocket Lab, on a donc pu voir :
- 5 lancements tous réussis de la fusée chinoise Kuaizhou-1A (KZ-1A) dont deux effectués le même jour (7 décembre 2019) à moins de 6 heures d’intervalle. La capacité du lanceur commercialisé par Expace Technology Co. Ltd., une filiale de China Aerospace Science and Industry Corporation, est d’environ 200 kg en orbite SSO : au cours des 5 vols de l’année, 1024 kg de charge utile ont été mis en orbite.
- Le vol inaugural réussi du petit lanceur chinois Jielong-1 (Smart Dragon 1) le 17 août 2019. La fusée Jielong est développée par la CALT (China Academy of launch Vehicle Technology).
- Le vol inaugural réussi de la fusée chinoise Hyperbola-1 (SQX-1) de la société iSpace (Interstellar Glory Space Technology Ltd). La capacité est de 260 kg en orbite SSO.
- En mars 2019, l’échec du premier lancement de la fusée OS-M1 de la société chinoise OneSpace.
- Hors de Chine, en janvier 2019, un lancement réussi de la fusée japonaise Epsilon qui effectuait son quatrième vol. La capacité est légèrement supérieure : 400 kg environ en orbite basse.
Quelles orbites ?
Les deux tiers des tentatives de lancements orbitaux (68) visent l’orbite basse LEO (53) ou celle de l’ISS (15 lancements). L’orbite géostationnaire représente 25% des lancements. Le reste correspond aux satellites de navigation en orbite MEO (7 lancements, pratiquement deux fois moins qu’en 2018) ou les missions d’exploration (3 lancements dédiés).
Arianespace, SpaceX et ULA : des profils très différents
L’analyse par opérateur est aussi très intéressante. Avec moins de lancements qu’en 2018 (13 au lieu de 21), SpaceX reste sur la première marche du podium et parvient à augmenter la masse totale mise en orbite (106 tonnes au lieu de 99). La société d’Elon Musk augmente surtout le nombre de satellites mis en orbite (167 satellites dont 155 de plus de 10 kg) avec le début du déploiement de la constellation de sa filiale Starlink : 120 satellites de masse moyenne mis en orbite avec deux vols Falcon 9 (quelle ivresse, le falcon...)
Les lancements orbitaux de l’année 2019 : nombre de lancements et masse totale mise en orbite
pour Arianespace, SpaceX et United Launch Alliance. Infographie : Gédéon
Une concurrence de plus en plus féroce…
Alors que la fusée Falcon 9 n’avait pas volé au début de l’année 2010, elle est devenue en moins de 10 ans un concurrent redoutable d’Arianespace.
Les statistiques de l’année 2019, proches de celle de 2018, illustrent les profils et les marchés très différents des trois opérateurs Arianespace, Space X et United Launch Alliance :
- Les deux opérateurs américains bénéficient tous les deux de la dynamique autour de la station spatiale internationale et des futurs vols habités vers la Lune et au delà : plus de 36 tonnes pour SpaceX et 13 tonnes pour ULA. Sur le graphique présenté ici, c’est l’orbite dite « ISS » qui matérialise cette activité. Depuis l’arrêt de l’ATV, l’Europe n’est plus présente directement sur ces lancements.
- ULA est totalement absent du marché commercial et se focalise sur les marchés institutionnels cilvils et militaires américains.
- SpaceX et Arianespace dépendent tous les deux fortement du marché des satellites commerciaux (respectivement 63% et 75% en masse satellisée en 2019). SpaceX n’a pas lancé de satellite militaire en 2019. Chez Arianespace, il s’agit d’un satellite de télécommunication militaire pour l’Egypte.
- L’échec de Vega au mois de juillet a entraîné l’arrêt des lancements Vega et n’a pas permis à Arianespace d’égaler le nombre de lancements des années précédentes (9 tentatives de lancements contre 11 et 12 entre 2014 et 2018.
Les lancements orbitaux de l’année 2019 : orbites visées et types de clients pour Arianespace,
SpaceX et United Launch Alliance. Infographie : Gédéon
2019 : retour sur une décennie en orbite
Fin 2019 : c’est aussi l’occasion de jeter un œil dans le rétroviseur et de faire un petit bilan de la décennie 2010-2019.
En résumant beaucoup, on peut retenir deux faits marquants concernent les lancements :
- L’augmentation sensible du nombre de lancements orbitaux, avec des fluctuations et toujours des échecs, qu'il s'agisse de lanceurs qualifiés ou de premiers vols.
- La forte baisse du nombre de vols habités : 7 en 2011-2012, 5 en 2012-2013, 4 à 5 entre 2014 et 2017 et seulement 3 réussis en 2018 et 2019
Evolution du nombre de lancements orbitaux et de vols habités de 2010 à 2019.
Infographie : Gédéon
Ce tableau sommaire mériterait une analyse un peu plus détaillée : même si le nombre de lancements paraît augmenter, il reste en retrait des chiffres des années 70 et 80 et on est loin des 9 à 10 vols habités annuels dans les années 90.
La décennie "201x", c’est aussi :
- l’arrivée tonitruante de SpaceX sur le marché des lanceurs et le pari de la réutilisation,
- l’arrêt des vols du space shuttle (le 135ème et dernier vol a eu lieu en juillet 2011),
- L’arrivée des lanceurs Soyouz puis Vega en Guyane française,
- l’aventure du cargo automatique européen ATV avec 5 lancements au total, dont quatre entre février 2011 et juillet 2014. Des bébés de 20 tonnes dont l’absence se remarque dans les statistiques de lancement,
- les ambitions spatiales de la Chine et de l’Inde et les nouveaux entrants dans la course à l’espace.
- le retour des projets de constellations massives,
- et l’arrivée du « New Space » et des nombreuses startups et d’investisseurs privés qui ont misé sur des lanceurs et des satellites plus petits et des modèles économiques innovants. Des stratégies et des promesses qui tardent parfois à se concrétiser mais qui ont durablement et profondément transformé l’écosystème spatial en quelques années…
Si vous voulez en savoir plus, je publie sur le blog Un autre regard sur la Terre un bilan annuel des lancements depuis 2015. Vous trouverez les versions précédentes ici.
Bon anniversaire Ariane !
Impossible de terminer le bilan de l’année 2019 sans dire un mot sur les quarante ans de la fusée Ariane.
Le 24 décembre 1979, la fusée Ariane L01 s’élevait pour la première fois dans le ciel de Guyane et marquait le début d’une belle aventure. Le premier lancement de la nouvelle fusée européenne avait lieu avec quelques jours de retard qui avait permis en particulier de faire fuir de vrais-faux chalutiers russes (les deux équipages avaient plutôt un accent de l’oncle Sam très marqué).
Une belle réussite pour un premier vol de qualification et un beau cadeau de noël pour les équipes du CNES et des industriels européens. Célébré comme il se doit par une bataille de boules de neige au Centre Spatial Guyanais.
Bataille de boule de neige au Centre Spatial Guyanais pour célébrer le lancement réussi de la première fusée Ariane.
Il est assez rare de voir un président du CNES et un futur ministre de la Recherche (Hubert Curien)
lancer des boules de neige. C’est encore plus rare à Kourou où la température descend rarement en dessous de 15°C.
Ce sont les ergols cryotechniques d’Ariane qui ont condensé et gelé la vapeur d’eau de l’atmosphère humide.
Crédit image : CNES
L’illustration suivante résume les lancements effectués en Guyane entre décembre 1079 et décembre 2019. Il inclut les fusées Ariane 1 à Ariane 5 mais aussi les lanceurs Vega et Soyouz. Un zoom sur les décennies 2000-2009 et 2010-2019 montre l’impact du lancement double avec un nombre de lancements annuels Ariane 5 en retrait par rapport à Ariane 4 mais aussi l’effet de gamme en 2011 avec Soyouz et Vega qui permet finalement de retrouver un nombre annuel total de lancements quasiment équivalent à la période Ariane 4.
Au total, 250 fusées Ariane de tous types ont été lancées entre le 24 décembre 1979 et le 31 décembre 2019.
Ariane, Soyouz et Vega : historique des lancements effectués en Guyane Française entre décembre 1979
et décembre 2019. Infographie Gédéon. Image de fond : décollage de la mission VA250 depuis le CSG
en décembre 2019. Crédit image : ESA – CNES – Arianespace – Optique vidéo du CSG – P. Piron
L’arrivée de SpaceX sur le marché commercial, qui coïncide pratiquement avec l’arrêt des vols de la navette spatiale, rend la concurrence beaucoup plus rude. Elle n’a pas encore d’impact significatif sur le nombre de lancements (en tenant compte de l’ATV entre 2008 et 2014). Je n’ai pas de chiffres mais cette concurrence a certainement un impact significatif sur le prix de vente des lancements.
J’espère que les premiers lancements d’Ariane 6 seront aussi réussis que celui d’Ariane L01 et je souhaite au moins 40 ans de succès à la filière des lanceurs européens !
Je publierai dans quelques jours un bilan plus complet avec une analyse plus détaillée des charges utiles : pays propriétaire, type d’opérateur (commercial ou institutionnel), type de mission, masse satellisée, etc. La collecte des informations est plus complexe que celles concernant les lancements (nombreux cubesats, satellites militaires dont les caractéristiques ne sont pas publiées) mais l’analyse est au moins aussi instructive.
En attendant, n’hésitez pas à me signaler les erreurs ou les suggestions pour améliorer ce texte. Merci d’avance et excellente année 2020, dans l’espace et sur la Terre !
Commentaires et remerciements
Ce travail est le résultat d'une compilation de données et d'informations collectées sur différentes sources ouvertes au fil de l'année. J'échange avec d'autres passionnés du spatial pour tenter d'avoir un état des lieux le plus complet et le plus objectif possible. Il est toujours possible que vous détectiez qu'une erreur ou une omission. N'hésitez pas à me les signaler.
L'interprétation des résultats est plus personnelle. Je mets l'accent sur les éléments qui me marquant ou qui m'interpellent. Je suis particulièrement intéressé par la place que continue à jouer l'Europe spatiale et par les impacts de ce qu'on appelle communément le "NewSpace".
Je remercie tous ceux qui échangent régulièrement avec moi sur ce bilan annuel des lancements et sur celui sur les satellites mis en orbite. Merci en particulier à Jonathan McDowell (Jonathan Space Report), Ed Kyle (Space Launch Report), Gunter Krebs (Gunter's Space Page), Anatoli Zak (Russian Space Web)http://www.russianspaceweb.com et Pierre-François Mouriaux (Air & Cosmos).
Merci également à tous les spacegeeks actifs sur twitter ou youtube : @idariane, @bottlaeric, @wakka44, @nicolas_pillet, @stromgade, @Astro_Danyboy, @Pauline_Delande, @TechSpatiales, @AstroVicnet et beaucoup d'autres. Ils font un travail d'information et de vulgarisation remarquable. Suivez-les sur twitter et regardez leurs vidéos sur youtube.
Un merci tout particulier cette année à Ed Piotrowski qui accepté que j'utilise sa magnifique photographie du vol de la fusée Atlas 5 qui emportait la capsule Starliner "vers" l'ISS.
En savoir plus :
- Les autres statistiques annuelles sur les lancements orbitaux et les satellites mis en orbite.
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