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Un autre regard sur la Terre

Espace, satellites, observation de la Terre, fusées et lancements, astronomie, sciences et techniques, etc. A l 'école ou ailleurs, des images pour les curieux...

Satellite Pléiades 1B : les premières opérations après le lancement

Publié le 5 Décembre 2012 par Gédéon in Satellites-et-lancements

Dans la nuit du 1er au 2 décembre 2012, la mission du lanceur Soyouz VS04 s’est achevée avec succès 55 minutes après la mise à feu de la fusée, avec la séparation et la mise en orbite de Pléiades 1B.

 Au moment où les équipes de lancement ouvraient le champagne au CSG, le travail commençait seulement pour les équipes du CNES en charge de la mise à poste et de la recette en vol.

Dès la confirmation de la satellisation, Alain Gleyzes, chef de projet Pléiades au CNES, a présenté les grandes étapes de ces opérations au public venu nombreux à la Cité de l’espace pour assister à la retransmission du lancement.

Depuis la salle de contrôle principale (SCP) du CNES de Toulouse, il a expliqué en détail les premiers jours de ce qu’on appelle LEOP (pour Launch and Early Orbit Phase) dans le jargon des opérations spatiales.

Ces premiers jours de la vie de Pléiades 1B sont l’occasion de présenter plus en détail le satellite Pléiades et son fonctionnement, jusqu’à l’acquisition de la première image.

 

Satellites Pléiades - Les jumeaux en orbiteLe satellite Pléiades 1B bientôt en tête à tête avec son jumeau Pléiades 1A. Dans moins d’un an,
quand Spot 7 rejoindra la même orbite, ils seront quatre autour de la table.
Crédit image : CNES / Pierre Carril

 

Pléiades 1B : Un beau bébé qui rejoint son frère jumeau

L’analogie avec la naissance d’un bébé montre assez vite ses limites mais l’exercice est intéressant :

  • C’est un faux jumeau : il rejoint son orbite moins d’un an après son frère aîné Pléiades 1A.
  • Pas de cordon ombilical pour Pléiades 1B : c’est une ceinture pyrotechnique et des ressorts qui le retenaient à l’étage Fregat de la fusée Soyouz. Celle-ci a bien des bras ombilicaux mais pour les étages inférieurs.
  • Un gros bébé : 970 kg, 350 cm de hauteur.
  • Un premier cri qui montre qu’il est en pleine forme : juste après la séparation, sa télémesure a bien été reçue par les stations de poursuite en Australie.
  • Tout juste sorti du berceau, il s’étire : les trois panneaux solaires, sur charnière à ressorts et maintenus pendant le lancement par des verrous pyrotechniques, ont été déployés.
  • Il n’a pas encore ouvert les yeux : un bilan de santé complet a été effectué avant de prendre les premières images… La plateforme et les équipements sont vérifiés étape par étape. Les journées de lundi et mardi étaient particulièrement chargées pour les équipes concernées.

 

Première étape : orienter le satellite

Pour pouvoir fonctionner correctement, utiliser son instrument de prise de vue et transmettre les informations acquises, les satellites Pléiades doivent maîtriser parfaitement leur orientation. C’est vrai pour les panneaux solaires indispensables pour recharger les batteries, le télescope ou les antennes de télécommande/télémesure ou de transmission d’images.

C’est le rôle du SCAO, un sigle qui signifie System de Contrôle d’Attitude et d’Orbite (AOCS en anglais), une des fonctions assurées par la plateforme des satellites. Ce domaine correspond à un métier très particulier dans la conception et la fabrication des satellites et fait appel à des équipements spécifiques :

  • Des capteurs pour permettre au satellite de se repérer dans l’espace, soit par rapport à des repères externes (la Terre, le soleil ou des étoiles) soit par rapport à une position de départ (capteurs inertiels de type accéléromètres ou gyromètres).
  • Des actionneurs utilisés pour modifier l’orientation du satellite.
  • Une part importante du logiciel de bord qui détermine les consignes d’orientations envoyées aux actionneurs à partir des informations provenant des capteurs (on parle de « boucle SCAO »).

 

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le SCAO sans jamais oser le demander

Quel que soit le satellite, il y a plusieurs modes de SCAO : avec au moins le mode de fonctionnement normal et le mode « survie » : quand une panne ou une anomalie est détectée, le satellite assure les besoins essentiels (en particulier rechercher le soleil pour pointer les panneaux solaires dans la bonne direction et conserver l’alimentation électrique et une plage de température acceptable).

Les satellites Pléiades développées par Astrium pour le CNES ont trois modes de contrôle d’attitude principaux (décomposés en huit sous modes) :

  • Le mode ASH (Acquisition and Safe Hold), pour stabiliser le satellite et assurer l’orientation des panneaux solaires vers le soleil après le lancement. C’’est également le mode « survie » après une détection d’anomalie ou de panne.
  • Le mode NORM(al), utilisé pour remplir la mission opérationnelle, en l’occurrence prendre des images dans le cas de Pléiades mais également recharger les batteries et communiquer avec la Terre.
  • Le mode OCM (Orbit control Mode) pour les manœuvres de mise à poste et de maintien à poste, en particulier pour permettre à Pléiades 1B de rejoindre l’orbite de son frère jumeau, décalé de 180° pour assurer une revisite élevé de chaque région de la Terre.


Après le lancement : stabiliser le satellite, trouver le soleil et pointer les panneaux dans la bonne direction…

Après la séparation de l’étage Fregat, le satellite tourne sur lui-même. Il va d’abord chercher à réduire cette rotation puis à ce stabiliser. Dans ce mode qui sert également de mode survie, on a besoin de solutions robustes, économes en énergie, qui ne font aucune hypothèse sur l’état du satellite.

Les capteurs sont trois magnétomètres (correspondant aux trois axes de rotation du satellite) qui mesurent le champ magnétique terrestre.

Les actionneurs sont des magnéto-coupleurs. Un peu comme le fait l’aiguille d’une boussole qui tourne pour indiquer le nord, une bobine parcourue par un courant électrique crée une force qui fait tourner son support. Du fait de la diminution du champ magnétique avec l’altitude, cette méthode ne fonctionne qu’en orbite basse.

Une roue à réaction sur l’axe de tangage contribue à orienter cet axe perpendiculairement aux lignes de champ magnétique terrestre. Quand la première étape de stabilisation est achevée, le satellite tourne lentement autour de son axe de tangage, perpendiculaire au plan de l’orbite.

Satellite Pléaides - AIT Astrium Magneto-coupleurUn des magnéto-coupleurs
des satellites Pléiades.
Crédit image : CNES

C’est à ce stade qu’intervient un nouveau capteur, un capteur solaire dit « grossier » (CSS pour Coarse Sun Sensor), le BASS 17 d’Astrium : il est constitué de 4 paires des cellules photosensibles disposées sur les parois d’une pyramide. La lumière solaire reçue par chaque cellule est plus ou moins intense en fonction de la direction du soleil. En sortie, le signal électrique est une mesure des deux angles solaires.

Pendant cette phase, un obturateur (une sorte de cache-objectif) protège l’instrument de tout dégât causé par l’éblouissement par le soleil. L’ouverture de l’obturateur fait partie des premières opérations dès que la position du satellite est stabilisée.

 

Pléiades - Capteur solaire - CSS - BASSDescription et fonctionnement des capteurs solaires d’Astrium. Un principe simple mais très robuste. Ici, un BASS7. sur Pléiades, c'est le modèle BASS17. Illustration réalisée à partir d’images fournies par Astrium.

 

Ajuster ou modifier l’orbite avec le système de propulsion : le mode OCM

On parle de MCO : manœuvre de correction d’orbite. C’est un mode utilisé en début de vie pour la mise à poste du satellite sur son orbite définitive (la même que Pléiades 1A mais décalée de 180°), pour les manœuvres régulières de correction d’orbite et, en fin de vie, pour la désorbitation du satellite.

C’est le système de propulsion du satellite qui est utilisé dans ce cas : sur les satellites Pléiades, il s’agit de 4 propulseurs de 1 N (Newton) de poussée avec un réservoir contenant environ 80 kg d’hydrazine. L’ensemble du module de propulsion PM25 est fourni par Astrium.

Les deux paires de tuyères contrôlent deux des troix axes du satellite. En mode OCM, le troisième axe est piloté par les actionneurs gyroscopiques qui servent avant tout pour les opérations normales du satellite.

 

Les opérations normales : prendre des images et recharger les batteries

Actionneurs gyroscopiques… Quésako ? En anglais, on parle de CMG pour Control Momentum Gyroscope.

A l’origine, c’est une technologie qui a été développée et utilisée sur les stations orbitales (Skylab, MIR) et sur les satellites militaires de la série Key Hole. En Europe, c’est une des principales innovations du satellite Pléiades : les actionneurs gyroscopiques (AG) de Pléiades sont la clé de la grande agilité du satellite tout en conservant pontage précis et stabilité de vitesse.

 

Rotation de couples : dans l’espace aussi…

Sur une roue à réaction, le couple est produit en modifiant la vitesse de rotation de la roue. Sur un actionneur gyroscopique, c’est en basculant l’axe que le couple de réaction est réalisé : il est perpendiculaire à l’axe de rotation de la roue et dépend de la manière dont l’axe de rotation est pivotée

Cela n’est pas clair ? Je comprends : moi c’est pareil… Peut-être que la figure suivante vous aidera un peu mais, si vous êtes prêts à bricoler un peu, le mieux est de fabriquer une maquette avec des petits moteurs et des disques métalliques. Les animateurs de Planète Sciences ont également conçu une série d’animations pour découvrir l’effet gyroscopique et le fonctionnement des roues à réaction et des actionneurs gyroscopiques. Vous trouverez également sur youtube (voir les liens ci-dessus) quelques vidéos pédagogiques illustrant ces notions : il faut vraiment manipuler un gyroscope ou une roue à inertie pour « saisir » (au sens propre) ces phénomènes.

 

Fonctionnement CMG - Actionneur gyroscopique Satellite Pléiades - AIT Astrium - CMG 

Des couples dans tous les sens : à gauche, fonctionnement des actionneurs gyroscopiques (ou CMG)
de Pléiades. Dessin adapté d'une plaquette Astrium. A droite, sur le satellite Pléiades 1A en intégration,
un des 4 actionneurs gyroscopiques. Crédit image : CNES.

 

Par rapport aux roues à réaction, les actionneurs gyroscopiques ont l’avantage de fournir des couples importants avec une consommation d’énergie très inférieure.

Il faut un minimum de 3 actionneurs pour commander les trois axes de rotation. Un quatrième permet d’éliminer les configurations dites « singulières » (genre division par zéro…) Sur Pléiades, on utilise quatre actionneurs gyroscopiques CMG15-45S d’Astrium disposés sur les faces d’une pyramide.

Les progrès technologies ont permis d’éliminer plusieurs difficultés qui freinaient leur utilisation opérationnelle :

  • L’amélioration de la résistance des paliers (usure, contraintes liées aux couples importants).
  • L’augmentation de la précision des mesures d’angle et de vitess.
  • Les progrès des logiciels embarqués : les algorithmes pour piloter 4 actionneurs en tenant compte de toutes les configurations possibles sont complexes.

 

Dans le mode normal, Pléiades utilise des capteurs très performants pour répondre aux exigences de très grande précision de pointage de l’instrument. On utilise un système appelé « gyro-stellaire » combinant deux mesures complémentaires :

  • Une mesure inertielle réalisée par quatre gyroscopes à fibre optique (FOG). C’est l’Astrix 200 développé par Astrium.
  • Une mesure externe réalisée avec 3 capteurs stellaires (ou STR pour star tracker en anglais) qui identifient la direction d’étoiles connues. C’est le produit SED 36 développé par SDODERN qui a été choisi pour les satellites Pléiades.

On a fait le tour de tous les équipements (capteurs ou actionneurs) qui servent au contrôle d’attitude ? Ah non , j’allais en oublier un : DORIS. Ce sigle signifie : Détermination d’Orbite et de Radiopositionnement Intégrés par Satellite. Conçu et développé par le CNES en collaboration avec le Groupe de Recherche en Géodésie Spatiale (GRGS) et l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN), le système Doris est utilisé pour déterminer au centimètre près l’orbite de satellites équipés de récepteurs grâce à un réseau de stations terrestres, utilisées comme points de référence au sol. DORIS fournit la position, la vitesse su satellite et une référence de temps (TAI temps atomique international). Sur Pléiades, on reconnaît facilement l’antenne du récepteur DORIS : elle est en forme de ressort.

 

En guise de synthèse, un petit tableau récapitulatif des capteurs et des acteurs utilisés pour le SCAO de des satellites Pléiades

 

Equipements
Acquisition
et survie
Mode
 Normal 
Manoeuvre
orbitale
  Nombre  Type de
redondance
Capteurs utilisés :
  
  
  
  
  

Magnétomètres (IAI-Tamam)

 X     2 Froide (1/2)

Capteur solaire (BASS17R d’Astrium)

 X     2   Froide (1/2)

Senseur stellaire (SED36 de SODERN)

   X   3 Chaude (2/3) 

Gyros à fibre optique (Astrix 200 d’Astrium)

   X   4 Chaude (3/4)

Système DORIS (CNES)

   X X   2   Froide (1/2)
Actionneurs utilisés :          

Magnéto-coupleurs (IAI Tamam)

 X  X   6 Froide (1/2)

Roue à réaction (RCD RSI 12-75/608
de Rockwell Collins Deutschland)

 X     2   Froide (1/2) 

Actionneurs gyroscopiques
(CMG 15-45S d’astrium)

   X  X 4 Chaude (3/4)

Propulsion (PM25 d’Astrium)

     X 4  Chaude (2/4)

 

Le type de redondance, froide ou chaude (ou encore passive ou active) indique qu’un équipement redondant n’est mis en service qu’en cas de défaillance de l’équipement nominal ou fonctionne en permanence.

 

C’est la fin de ce petit tout d’horizon du contrôle d’attitude des satellites Pléiades, un concentré de tous les capteurs et actionneurs utilisés sur d’autres types de satellites.

J’ai surtout décrit dans cet article les solutions utilisées pour corriger ou contrôler l’attitude d’un satellite sur son orbite sans expliquer l’origine des perturbations. Elles sont nombreuses, externes (atmosphère résiduelle, activité solaire, champ magnétique, gradient de gravité) ou internes (propulsion, mouvement de liquide dans les réservoirs, déplacement d’équipements, etc.) au satellite. J’y reviendrai dans un autre article.

 

En savoir plus :

 

Suggestions d’utilisations pédagogiques en classe :

  • Si, dans votre classe, l’inertie ce n’est pas seulement par moment et si vous avez renoncé au contrôle de l’attitude de vos élèves, essayez quelques activités expérimentales pour découvrir de manière attractive les notions abordées dans cet article.
  • Il existe beaucoup de petites manips simples pour mettre en évidence la propulsion par réaction, l’effet gyroscopique, les relations entre courant électrique, champs magnétiques et forces. 
  • Les animateurs de Planète Sciences Midi-Pyrénées ont construit une maquette du satellite Pléiades (échelle 1/3 environ) et développé une série d’animations pour découvrir le fonctionnement et les applications des satellites d’observation.
  • Avec des lycéens, je vous conseille également de parcourir les fiches techniques des équipements (voir les liens ci-dessus), pour identifier les grandeurs physiques (couple, moment cinétique, etc.) et les unités de mesure. La traduction de l'anglais apporte une dimension supplémentaire.

 

 

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